« Celui qui cherche dans le Nouveau Testament le Christ dogmatique, qu’il lise Ratzinger ; celui qui cherche le Jésus historique et la proclamation des premiers chrétiens, qu’il lise Küng. » Le théologien allemand Hans Küng, ex-confrère du futur Benoît XVI à l’université de Tübingen, n’y va pas par quatre chemins dans l’introduction de son Jésus. Nombreuses sont les critiques de l’auteur d’Infaillible ? Une interpellation (1971) à l’endroit d’une Eglise institutionnelle trop hiérarchisée. Le présent ouvrage est une réactualisation synthétique de son magistral Etre chrétien (1974) paru au Seuil en 1978. Pas la conception ultra-divinisée du Christ, pas de Jésus « d’en haut ». Cet expert du concile Vatican II entend ici replacer le Nazaréen en son contexte - la Judée vassale de Rome d’il y a deux mille ans - et ne pas dissocier sa parole et son action de la poussière des chemins où, suivi d’un groupe de disciples, il alla dispenser son enseignement. Küng dit pourquoi ce qu’accomplit Jésus était « scandaleux » et révolutionnaire, au sens du retournement. Jésus s’oppose aux pharisiens, cette secte qui appliquait la Loi à la lettre au mépris de son esprit. Il ne se conforme pas à la tradition juive qui voulait qu’un homme se mariât et fondît une famille, il n’emprunte pas non plus la voie ascétique des esséniens, qui tournaient le dos au monde en attendant le messie et la fin des temps. C’est dans cet environnement eschatologique d’attente de la fin de monde qu’apparaît l’« oint » ou Christ. Hans Küng, critique mais catholique, ne craint pas de confronter le texte des Evangiles aux sources historiques et, dans le même temps, balaye toute démagogie socialisante ou réduction populiste qui ferait de Jésus un superhumaniste. Le message demeure vertical : servir l’homme pour servir Dieu. L’homme de foi qu’est Hans Küng explique ce qui est au cœur du christianisme : la résurrection du Crucifié, laquelle résurrection n’est « pas un retour à notre vie spatio-temporelle » ni une prolongation de cette dernière. Enfin, l’appel à la conversion de Jésus, rappelle Küng, est un « appel à la joie ». Joie de la présence de la vie et action dans l’ici et maintenant. La porte fût-elle étroite, son ouverture est simple : « Est chrétien celui qui, sur son chemin de vie totalement personnel (à chacun le sien !), s’efforce de se laisser guider en pratique selon Jésus-Christ. Il n’est rien exigé de plus. » S. J. R.