C'est au pied de l'arbre qu'on voit le champignon. Il est donc logique qu'après le succès phénoménal (580 000 ex., selon GFK) de La vie secrète des arbres du forestier allemand Peter Wohleben (Les Arènes, 2017) une suite soit donnée avec La vie secrète des champignons par Robert Hofrichter, un naturaliste et zoologue autrichien. Il est surtout un mycologue pour qui la forêt est un véritable palais des spores. Pas une variété de bolet, russule, lactaire, amanite, girolle, oronge, agaric ou lépiote ne lui échappe. L'ouvrage fort bien conçu ne se contente pas de proposer une « balade récréative dans l'univers des mycètes », il offre quantité de données et anecdotes sur ce milieu où règne non pas la compétition mais la coopération.

Ainsi, dans la forêt, arbres et champignons sont unis pour la vie. Ces derniers contribuent à l'échange d'informations dans un réseau que l'auteur qualifie de Wood Wide Web ou Internet des arbres... Dans ce « tour du monde des spores » très informé sur le plan scientifique, il explique que l'on trouve des champignons partout, dans l'eau, dans l'air, dans notre corps et même dans la Station spatiale internationale (ISS). Ils sont experts en dépollution et nous leur devons le pain, la bière et tout ce qui est fermenté. Evidemment, certains sont vénéneux, mais « un champignon comestible est un champignon moins toxique que les autres ». Robert Hofrichter rappelle les empoisonnements à l'ergot de seigle et les meurtres au champignon assez rares puisqu'un seul aurait été recensé en France pour les années 1851 à 1872. Dans les années 1970, le médecin français Pierre Bastien avait absorbé à trois reprises des doses mortelles d'amanite phalloïde pour défendre un protocole médicamenteux à base de vitamine C.

Cet ouvrage à destination du grand public n'est ni une encyclopédie ni un guide. C'est un manuel de curiosités. Robert Hofrichter veut avant tout faire partager ses connaissances, sa passion et susciter l'émerveillement à l'instar de l'écrivain italien Piero Calamandrei. « J'aime les champignons, parce que ce sont des créatures ambiguës, à mi-chemin entre l'animal et le végétal, et qu'ils représentent sur la terre la même famille d'hybrides mystérieux, hésitant entre la flore et la faune, à laquelle appartiennent les méduses et les étoiles de mer. » Bref, ce n'est pas un livre pour cueilleur, car c'est lui qui vous cueille.