« Les 300 000 tonnes de pâte à papier produites par l'usine Greenfield d'Arjowiggins, qui alimentait la fabrication de papier de haute qualité à usage graphique, serviront maintenant aux usines de papier toilette du groupe Wepa », regrette Deborah Dorosz, responsable du développement écoresponsable du distributeur Antalis en France. Un gâchis rappelé lors de la dernière réunion du groupe Culture papier, qui réunit à la fois des producteurs et des utilisateurs, et qui était consacrée à la filière du recyclage, laquelle connaît des évolutions contrastées en France.
Rachetée, Greenfield a échappé à la liquidation qui a emporté les deux autres usines d'Arjowiggins. Elles produisaient ce papier graphique à partir de fibres recyclées, nécessitant un circuit de collecte élaboré : pour obtenir cette qualité et cette blancheur nécessaires à l'impression de magazines et de livres, il faut récupérer des papiers de bureau plus faciles à traiter que le tout-venant des containers de recyclage de villes. Que ce circuit serve maintenant à la filière des papiers d'hygiène soulève des questions sur l'utilité des efforts entrepris pour le mettre en place.
En dépit de la qualité revendiquée de sa production, Arjowiggins n'avait jamais réussi à convaincre un nombre significatif d'éditeurs ou d'imprimeurs de livres d'utiliser ses papiers couchés, principalement en raison du surcoût par rapport au papier de fibres vierges, dont l'écart était toutefois en baisse. Déjà limité à 2 % de la consommation totale, faute de variété bouffante très utilisée en littérature générale, l'usage de papier recyclé dans le livre devrait donc encore se réduire. « Il reste en Europe quelques producteurs de papier recyclé haute blancheur comme blancheur naturelle », rappelle Deborah Dorosz. Mais une partie d'entre eux s'approvisionnaient en pâte chez Greenfield, et devront trouver d'autres fournisseurs.
La production de papier recyclé en France ne concerne pour l'essentiel que la qualité « journal », par les groupes UPM à la Chapelle d'Arblay (Seine-Maritime), et Norske Skog à Golbey (Vosges), qui n'est pratiquement plus utilisé dans le poche, y compris dans sa version « améliorée ». « Là aussi, nous avons besoin de papier bouffant, qui ne se trouve plus depuis qu'UPM n'en produit plus », explique Pascal Lenoir, directeur de la fabrication chez Gallimard. Le Livre de poche utilise aussi du papier certifié car il est plus sûr d'être approvisionné. Hervé Hugueny