Paru en 1964 chez Garzanti dans deux versions successives, Poesia in forma di rosa est l’un des recueils les plus célèbres de Pier Paolo Pasolini (1922-1975), demeuré inédit en français. Lacune réparée aujourd’hui grâce à l’éditeur-traducteur René de Ceccatty, et dans une édition bilingue.
En 1964, Pasolini a dépassé la quarantaine. Il lui reste encore onze ans à vivre. Il est au sommet de sa gloire sulfureuse, amorcée dès son premier roman, Les ragazzi, paru en 1955 et poursuivi pour "obscénité". Il est aussi l’auteur, entre autres, d’un recueil de poèmes engagés, Les cendres de Gramsci (1957), et s’est lancé, en 1961, dans le cinéma, avec Accattone. Considéré comme l’enfant terrible d’une Italie en mal de repères et de valeurs, déjà, tentant de concilier dans sa pensée le catholicisme et le marxisme, revendiquant son statut d’homosexuel tout en se vivant comme un paria, Pasolini va devenir une superstar cette même année 1964 avec son Evangile selon saint Matthieu.
De tout cela, l’inspiration très diverse de Poésie en forme de rose porte témoignage, où se mêlent journal intime, chant politique ou carnets de voyage.
Dès les années 1960, Pasolini avait commencé de voyager en Inde et en Afrique en compagnie du couple terrible de ses amis Moravia et Elsa Morante. Ici, il va être question d’Israël, où il projetait de tourner son Evangile avant de préférer finalement l’Italie, et de la Guinée, où il voulait tourner un autre film, Père sauvage, projet abandonné. Les deux pays lui ont inspiré quelques beaux textes, comme ce "Bord de mer" israélien : "Un silence comme dans les villes du nord de l’Italie./Voici les garçons en jeans, couleur charogne,/et des tee-shirts blancs, moulants,/sales, ils marchent le long des parapets/- comme des Algériens condamnés à mort."
Sosies prémonitoires de ceux qui, dans la nuit du 1er novembre 1975, massacreront le poète, dans des circonstances mal élucidées : crime crapuleux, relation sexuelle qui a dégénéré, ou crime politique ? Pasolini a eu la mort tragique, caravagesque, qu’il pressentait depuis longtemps. J.-C. P.