3 juin > roman Suède

Le héros et narrateur de l’épatant petit roman de Jonas Karlsson est un type comme un autre. Nous savons qu’il a 39 ans, qu’il est "indépendant, sans entourage direct ni personne sur les bras" et ne s’est pas vraiment remis de sa rupture avec Sunita, son grand amour. Monsieur a un poste à mi-temps dans un vidéoclub pour cinéphiles. Il écoute Mahavishnu Orchestra, Bon Iver et Jeff Buckley, a pour parfums de glace préférés menthe-chocolat et framboise.

Un beau jour, voici qu’il reçoit une facture d’un montant fou de 5 700 000 couronnes. Soit près de 600 000 euros ! Il n’a pourtant commandé aucun bien ou service, se sait en règle avec les impôts. Le nom de la société émettrice, WRD, ne lui évoque rien. C’est pourquoi il laisse traîner.

Un mois plus tard lui parvient cette fois une lettre de rappel adressée par une société de recouvrement, avec une majoration pour retard ! Quand il finit par avoir quelqu’un au bout du fil, on lui explique qu’il faut s’exécuter. On lui parle de "répartition des coûts, de décision, de forfait, de système de décote". Plus clairement, on lui explique qu’il ne lui est désormais possible de profiter de la vie qu’à la condition de payer pour. Qu’il se rassure, il y a un plafond d’endettement calculé ! En y réfléchissant, notre homme se dit assez satisfait de son existence, estime qu’il n’a pas à se plaindre. La preuve, il a du mal à se rappeler la dernière fois où il s’est vraiment mis en colère !

On goûte l’ironie et le sens de l’absurde de Jonas Karlsson dont une nouvelle figurait déjà dans l’anthologie Masterclass : et autres nouvelles suédoises (Stock, 2011). Sa Facture se révèle un petit bijou d’humour au questionnement pertinent. Al. F.

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