26 SEPTEMBRE - CAHIER ET CARNET France

Roger Nimier- Photo MASSIN/LES CAHIERS DE L'HERME

Roger Nimier est entré à plusieurs reprises dans la légende de la littérature française du siècle dernier. D'abord en publiant en 1948, alors qu'il a 23 ans, un premier roman brillant, Lesépées (Folio), et d'autres dans la foulée. En délaissant ensuite pendant près de dix ans le genre romanesque à compter de 1953. Puis en disparaissant trop tôt, en septembre1962, au volant d'une Aston Martin dans laquelle il roulait ce jour-là en compagnie de Sunsiaré de Larcône, jeune femme qui venait de faire paraître son premier roman, La messagère, sous la couverture blanche de Gallimard.

Derrière Nimier le dandy, Nimier le Hussard, il y a une oeuvre d'une quinzaine de volumes qu'un fort "Cahier de l'Herne" piloté par Marc Dambre vient éclairer. Ouvrage tenant volontiers le rôle de "passeur auprès du lecteur actuel" tout en revenant sur la trajectoire de l'auteur des Enfants tristes (Folio). L'ensemble des contributions permet de mieux saisir la complexité du personnage, en éclairant l'importance de l'amitié dans sa vie (notamment celles avec Jacques Chardonne, Stephen Hecquet et Antoine Blondin), son art du récit de guerre, de la chronique et de la critique littéraire.

Voici pêle-mêle l'élève du lycée Pasteur de Neuilly et du lycée pour garçons de Saint-Brieuc, où sa professeure n'est autre que l'épouse de Louis Guilloux. Le jeune homme au visage un peu rond d'enfant prodige, avec l'air "grand, lourd et maladroit" dont se souvient Geneviève Dormann. Celui qui pouvait se montrer taquin, pince-sans-rire, blessant en jouant de son esprit de contradiction. L'écrivain qui rate le prix Goncourt à cause de Colette. Le fils spirituel de Paul Morand, fasciné par l'oeuvre parfaite de Larbaud. Le nomade, doué pour la comédie, la satire et la morale, qui rejetait l'humanisme. L'éditeur, avec un petit bureau chez Gallimard dont la fenêtre était à gauche de la porte de la rue Sébastien-Bottin. Et d'autres encore.

Styliste affuté, Roger Nimier a peu utilisé la courte distance. Pour juger de son tempo, on peut aujourd'hui relire Les Indes galantes qui ressort dans la collection "Rivages poche". Et surtout ouvrir Bal chez le gouverneur qui propose quatre textes jamais encore recueillis. Le premier se déroule à Alger, où les élégantes de la ville se pressent chez le gouverneur et où une Nicole à la robe rouge croise Félix Beauchamps, ancien combattant qui pratique la pêche sous-marine, conduit vite et fume trop.

Le deuxième, Une forte tête, a pour héros le charcutier Martin Gaston-Ferdinand, qui a quant à lui deux têtes : l'une pour la charcuterie, et l'autre pour la politique. Le troisième, Le clavier de l'Underwood, parle d'un journal, le Bon petit Français du soir et de l'une de ses secrétaires au "rang modeste mais utile". Le quatrième et dernier, A et E, met enfin en scène un petit orphelin obligé de veiller sur son frère et sa soeur. Le tout donnant surtout envie de replonger dans les pages ciselées d'un homme trop pressé, aussi singulières que passionnantes.

Les dernières
actualités