Prosateur roumain installé à Zurich et écrivant en allemand, Catalin Dorian Florescu s’était déjà signalé avec Le masseur aveugle (Liana Levi, 2008), qui révélait un romancier intense et original. Dé-sormais publié sous le cadre vert du Seuil, Florescu récidive avec Le turbulent destin de Jacob Obertin. Un opus à la tonalité très différente du Masseur aveugle.
Voici d’abord qu’apparaît un Jakob sans nom de famille. Un solide et vigoureux jeune homme souabe aux cheveux hirsutes. Celui-ci vient de loin. Il a travaillé dans un moulin, une pompe à essence, chez Augenstein, un Juif qui vendait des tissus et des articles de couture. Arrivé dans un village roumain à la frontière hongroise, Jakob cherche à se protéger de la foudre et de l’ouragan en se réfugiant dans l’étable d’un pharmacien.
Sur lui, outre une montre en or qu’il prétend tenir de son défunt père, il conserve la photo d’une femme que tout le monde connaît « jusqu’à Timisoara et même au-delà ». Elsa Obertin a voyagé à 17 ans jusqu’aux Etats-Unis et fait la une des journaux à son retour, si bien qu’on la surnomme « l’Américaine ». Jakob a mûrement réfléchi. Elsa a besoin d’un mari « pour être heureuse », et lui d’une ferme : il doit donc l’épouser. Leur étrange union va permettre l’arrivée d’un garçon né deux fois et mis au monde par une Tzigane. Un jeune Jacob - avec un « c » et non un « k » - à la santé fragile. Lequel grandit dans un pays où s’affrontent pendant la Seconde Guerre mondiale les Russes et les Allemands. Un pays où était arrivé des siècles plus tôt un certain Caspar. Un Lorrain au service des Suédois, qui avait décidé de ne plus se battre que pour lui, de traverser les Vosges, sans savoir qu’il allait faire une longue escale dans le Banat…
A l’instar d’une Sofi Oksanen, Catalin Dorian Florescu sonde les heures troubles de l’histoire de son pays tout en bâtissant un roman épique et riche en péripéties, qui confirme ses évidents dons de conteur.
Al. F.
