Qu'est-ce qu'une crise ? Le moment critique où l'équilibre des choses dans l'existence d'un individu ou d'un groupe est bouleversé par des circonstances internes ou externes, voire les deux à la fois. Après une crise, rien ne sera plus comme avant. Soit on ne parvient pas à y faire face, et c'est le déclin, le début de la fin. Soit on la surmonte et s'adapte et, grâce à l'intelligence de la situation, on opère une mue salutaire qui permettra d'avancer. Dans Bouleversement - Les nations face aux crises et au changement, Jared Diamond fait une étude comparative entre sept pays (Finlande, Japon, Chili, Indonésie, Australie, Allemagne, États-Unis) qui furent confrontés à la remise en question radicale de leurs paradigmes traditionnels. Tout est question de « changement sélectif », dit Jared Diamond qui tire les leçons de ses propres moments critiques dans un chapitre liminaire qui donne le la d'un ouvrage conjuguant hauteur de vue et accessibilité.
Certains modèles nationaux sont plus connus, comme l'américain dont le rêve de réussite s'étiole à cause d'une trop abyssale disparité des richesses, ou l'allemand, qui dut se reconstruire après guerre, d'autres le sont moins. Lire sur les choix décisifs de la Finlande, petit pays scandinave d'à peine 6 millions d'habitants, ou du Chili, une des nations d'Amérique latine les plus politiquement matures dans les années 1970, n'est pas moins instructif quant à la philosophie globale du géographe et anthropologue né à Boston en 1937. La Finlande fut contrainte de s'allier aux nazis contre le géant soviétique prêt à la dévorer. Le coup d'État du général Pinochet soutenu par la CIA se fit avec l'approbation plus ou moins tacite d'une classe moyenne chilienne modérée effrayée par le gauchisme de celui qu'il renversa, Salvador Allende. La radicalisation du programme de ce dernier avait été bien peu avisée étant donné que, quoiqu'élu légitimement, il n'avait pas obtenu une majorité absolue mais seulement 36 % des voix. La bourgeoisie libérale ne l'avait pas été beaucoup plus en pariant que la dictature serait une parenthèse de courte durée : Pinochet resta dix-sept ans au pouvoir.
Que ce soit le Japon, prenant le tournant de la modernité sous l'empereur Meiji en 1868, ou l'Australie, à la croisée des chemins, entre la vision old school héritée de l'empire britannique et la pleine inscription dans l'aire Asie-Pacifique à laquelle le pays-continent océanien appartient, ces pages sont passionnantes pour qui s'intéresse à l'histoire et à la géopolitique.Les crises sont énormes, qui nous menacent : l'embrasement nucléaire, le réchauffement climatique, la fin des ressources naturelles, l'explosion des inégalités qui engendrent des tensions sociales et une colère dévastatrice. L'auteur d'Effondrement - Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie (Gallimard, 2006) poursuit sa réflexion autour de la collapsologie tout en nous exhortant à la lucidité et au progrès sur la ligne de crête entre vigilante inquiétude et courage de la réforme.