3 MAI - ROMAN Grande-Bretagne

William Boyd- Photo CAROLIN SEELIGER

De tous les écrivains anglais de sa génération - celle qui prit son envol au début des années 1980 -, William Boyd est d'évidence le romancier le plus pur, le plus romanesque. Après avoir réussi un formidable hommage au Dickens de L'ami commun dans Orages ordinaires (Seuil 2010, repris en Points), où il passait au crible les différentes couches du Londres d'aujourd'hui, le revoilà au meilleur de sa forme avec L'attente de l'aube.

Le lecteur se transporte d'abord à Vienne, la capitale du "poil facial", en 1913. Lysander Rief en sait "long sur un petit nombre de sujets et très peu sur quantité d'autres". Le nouveau héros de Boyd est un Anglais de 27 ans avec des cheveux fins et raides. Acteur qui monte sur les planches du West End, Lysander est le fils du fameux Halifax Rief. Un grand acteur, maintes fois célébré, mort en 1899. Sa mère, une Autrichienne qui parle anglais presque sans accent, a ensuite épousé un vieux lord fortuné. Rief junior a été obligé de quitter Londres et sa fiancée Blanche Blondel, jolie fille élancée qui sent bon l'eau de rose.

Le pauvre évite les contacts sociaux et consulte le docteur John Bensimon en espérant régler un certain problème de dysfonctionnement sexuel. Disciple de Freud qui a écrit un livre traitant de l'utilisation de l'imagination où il développe sa théorie du "Parallélisme", Bensimon a diagnostiqué chez son patient une anorgasmie. Lysander va pouvoir se guérir grâce à l'aide de Miss Esther Bull, dite Hettie. Artiste et sculpteur - elle insiste sur le masculin de la chose -, celle-ci est un petit bout de femme électrique qui fréquente le cabinet du docteur Bensimon et prend de la cocaïne afin de soulager ses maux.

L'auteur des Nouvelles confessions (Seuil 1988, repris en Points) mène son affaire tambour battant, avec l'évidence narrative qu'on lui connaît, soignant la reconstitution historique, les décors et les atmosphères. Voici Lysander Rief accusé de viol, arrêté et prenant la fuite vers Trieste grâce à l'aide d'un attaché militaire. De retour à Londres, il joue ensuite des pièces de Shakespeare et Strindberg, tout en ne se montrant pas indifférent aux formes généreuses de sa partenaire à l'accent cockney, Gilda Butterfield. Lorsque démarre la Première Guerre, Lysander s'engage dans l'infanterie légère comme soldat en service actif. On le suit en France, sur le front, où il jette une grenade Mills 5 dans la sape et s'égare. Puis à Genève, où il se rend sous l'identité d'Abelard Schwimmer, prétendu ingénieur des chemins de fer. Peut-être a-t-il enfin trouvé un rôle et un costume taillé à sa mesure. Celui d'un chasseur d'espions chargé de démasquer un traître à sa patrie adressant des messages codés à l'ennemi...

Storyteller virtuose, William Boyd propose un cocktail détonnant qui le voit mélanger habilement suspense, comédie et drame. L'une des grandes réussites du livre est d'avoir pour héros un type apparemment banal. L'énigmatique Lysander Rief, tiraillé par ses doutes et ses limites. Un homme qui se montre capable d'être un parfait caméléon lorsqu'il est pris dans la tourmente et doit faire ses preuves sur le théâtre des opérations.

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