Dix élèves de CM2 - cinq filles et cinq garçons - se retrouveront le 18 juin sur la scène de la Comédie-Française pour la grande finale de la seconde édition des Petits Champions de la lecture, parrainée par Guillaume Gallienne et Daniel Pennac. Chacun lira à haute voix un court texte de trois minutes, encouragé par l’auteur qu’il a choisi.
"Plus que jamais la lecture est essentielle. L’enquête Ipsos du SNE, comme celle de Livres Hebdo et celles du ministère de la Culture, pointent une baisse de la lecture chez les jeunes, mais montrent que cette pratique demeure un facteur d’épanouissement et de réussite chez les enfants et les adolescents", rappelle Christine de Mazières, directrice générale du Syndicat national de l’édition (SNE), à l’origine de l’opération. Elle a d’abord testé le concept pendant quatre ans dans le département des Yvelines, en prenant pour exemple l’Allemagne, où éditeurs et libraires organisent depuis 1959 un championnat de la lecture qui rassemble 700 000 élèves, soit la quasi-totalité d’une tranche d’âge. "Nous avons voulu, avant tout, une opération à la fois ludique et pédagogique. L’enfant doit découvrir que la lecture est un plaisir et non pas une occupation scolaire. A travers chaque jeune qui aura découvert le goût de lire, on aura gagné - même s’il n’y en a qu’un", déclare-t-elle.
De la classe à la scène.
La lecture à voix haute a des vertus pédagogiques, d’autant plus que les CM2 "sont à un âge où les enfants sont encore naturels, ont une certaine assurance - ce sont les grands du primaire -, et n’ont pas peur de monter sur scène". "La lecture à voix haute réinstalle la littérature dans la langue et dans la musique du français, qui est très belle, extrêmement subtile, écrit Daniel Pennac, parrain de l’opération, qui insiste sur le courage des participants. Le sens de la langue est plus évident quand il transite par la lecture à voix haute." L’acteur Guillaume Gallienne, également parrain du concours, enthousiasmé par la première édition, souligne : "Nos petits champions nous ont montré leur personnalité, ils ont brisé la généralité du "ton de l’enfance" en s’impliquant de manière totale. Ils nous ont fait entendre un engagement très fort, non formaté : à chaque lecture, nous avions l’impression qu’il s’agissait d’une nouvelle façon de lire." Pour Christine de Mazières, "ils révèlent leur personnalité à travers la lecture, se donnent à fond, savent se montrer drôles ou sérieux, transmettre le texte et les émotions".
Le concours pourrait faire l’objet d’un grand show comme les aime la télévision. Organisé comme un radio-crochet avec des étapes devant un jury qui désigne un gagnant autorisé à participer à la phase suivante, il se déroule d’abord au sein de la classe, d’octobre à février, puis à l’échelle du département, de février à avril, de la région en mai, avant de se clore sur une compétition nationale le 18 juin. "C’est intéressant pédagogiquement, d’autant plus que les compétences en matière de lecture, la théâtralisation, la prise de parole en public sont inscrits au programme", souligne l’enseignante Cécile Besson-Perrin (voir encadré). Les critères des juges portent d’ailleurs sur la diction, la prononciation, la fluidité, etc.
Avec leur classe (pour 90 % d’entre eux) ou dans le cadre d’un groupe de lecteurs, ce sont 15 000 enfants de CM2 qui ont participé à chacune des deux éditions. Lancé il y a deux ans avec l’appui des deux présidents successifs du SNE, Antoine Gallimard et Vincent Montagne, le concours s’appuie sur l’association Les Petits Champions de la lecture, réunissant tous les acteurs de toute la chaîne du livre - éditeurs, libraires, bibliothécaires. "Nous avons testé le système en 2013. Cette année, nous avons amélioré l’organisation, revu le site où sont postées les vidéos de la troisième étape, et créé un emploi dédié, celui de Solène Bagnariol", précise Christine de Mazières. Le SNE a aussi des partenaires comme l’Education nationale qui se charge d’envoyer une information dans les rectorats à la rentrée scolaire, le groupe L’Express-Lire (Christophe Barbier anime la finale), Radio France, France Télévisions… Les récompenses sont toujours collectives : diplômes, visites d’auteurs pour les gagnants de la demi-finale, livres, tandis que certaines classes seront tirées au sort pour assister à la finale. Les librairies, bibliothèques et autres lieux du livre sont parfois mis à contribution, comme la librairie L’Esperluette, à Chartres, pour la finale départementale de l’Eure-et-Loir, ou le Salon du livre de Paris pour celle du Val-de-Marne. L’opération, de la plus petite initiative à la plus organisée, avec ses disparités et ses richesses, constitue à chaque fois un événement, profondément ancré sur le terrain, et largement relayé par la presse régionale.
Panorama du livre jeunesse.
Les participants dessinent aussi une carte de France, où toutes les régions et toutes les communes sont représentées, depuis les petits villages comme celui de Montarnaud, dans l’Hérault, dont est originaire Alexandre, le gagnant de l’an dernier, jusqu’aux grandes villes et leurs banlieues comme Paris, Lyon, La Courneuve. Fred Bernard et François Roca, Cathy Cassidy, Roald Dahl, Anne Fine, Anna Gavalda, René Goscinny (l’éternel Petit Nicolas), Colas Gutman, Moka, Christopher Paolini, J. K. Rowling… les textes sélectionnés par les enfants eux-mêmes lors des premières étapes offrent un beau panorama de la littérature pour la jeunesse actuelle. Les finalistes choisissent ensuite un livre dans la liste établie par le SNE, composée d’un titre de chacun des membres du groupe jeunesse (qui compte une quarantaine d’éditeurs), écrit par un auteur contemporain qui participe à la finale. Ainsi, Alexandre, le gagnant 2013, a lu un extrait de Gabriel et Gabriel, soutenu par l’auteure Pauline Alphen (Hachette Jeunesse).
Parfois, de petits miracles surgissent, et les parents viennent remercier les organisateurs parce que leur enfant dyslexique a retrouvé le goût de lire. "Pour les jeunes qui n’aiment pas lire, qu’ils soient issus de milieux éloignés du livre ou qu’ils aient des difficultés de lecture, l’oralité peut être un déclencheur", constate Christine de Mazières. "Une de mes élèves, arrivée d’Algérie il y a deux ans, qui ne parlait pas le français, et le lisait encore moins, a fait des progrès étonnants, confirme Cécile Besson-Perrin. Les enfants qui ont des difficultés de lecture se rendent compte qu’ils progressent quand ils travaillent." L’objectif de Christine de Mazières ? Que l’événement soit médiatisé, retransmis sur le Net, voire à la radio ou à la télévision.