Depuis sa publication dans le quotidien du soir, la tribune a entraîné une vague de réprobations et des critiques virulentes sur certains de ses passages, notamment ceux concernant le harcèlement. La polémique a enflammé les réseaux sociaux comme les médias français et étrangers.
Dans "Un porc, tu nais?", Leïla Slimani, Prix Goncourt 2016, en pleine tournée promotionnelle pour la sortie de Chanson douce aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, réclame le droit de ne pas être importunée jusque dans les moments de la vie quotidiens et banals, tout en revendiquant une liberté: "je revendique ma liberté à ce qu’on ne commente pas mon attitude, mes vêtements, ma démarche, la forme de mes fesses, la taille de mes seins. Je revendique mon droit à la tranquillité, à la solitude, le droit de m’avancer sans avoir peur. Je ne veux pas seulement d’une liberté intérieure. Je veux la liberté de vivre dehors, à l’air libre, dans un monde qui est aussi un peu à moi."
"Je ne suis pas une petite chose fragile. Je ne réclame pas d’être protégée mais de faire valoir mes droits à la sécurité et au respect. Et les hommes ne sont pas, loin s’en faut, tous des porcs. Combien sont-ils, ces dernières semaines, à m’avoir éblouie, étonnée, ravie, par leur capacité à comprendre ce qui est en train de se jouer? A m’avoir bouleversée par leur volonté de ne plus être complice, de changer le monde, de se libérer, eux aussi, de ces comportements? Car au fond se cache, derrière cette soi-disant liberté d’importuner, une vision terriblement déterministe du masculin: «un porc, tu nais»" explique-t-elle, tout en ajoutant qu'il y a bien des hommes à la "vision rétrograde de la virilité", détaillant certains actes et gestes avec un langage cru et direct.
"Je ne suis pas une victime. Mais des millions de femmes le sont. C’est un fait et non un jugement moral ou une essentialisation des femmes. Et en moi, palpite la peur de toutes celles qui, dans les rues de milliers de villes du monde, marchent la tête baissée" se désole-t-elle. Rappelant la condition des femmes dans certains pays où elles sont opprimées et harcelées pour ne pas dire méprisées, espérant que son fils devienne un homme "libre de se définir autrement que comme un prédateur habité par des pulsions incontrôlables" et que sa fille puisse marcher la nuit dans la rue, en minijupe ou en décolleté, sans avoir peur, Leïla Slimani renvoie finalement dos à dos les deux camps qui s'affrontent depuis mardi.
"Le monde dans lequel [ma fille] vivra alors ne sera pas un monde puritain. Ce sera, j’en suis certaine, un monde plus juste, où l’espace de l’amour, de la jouissance, des jeux de la séduction ne seront que plus beaux et plus amples" conclut l'écrivaine.