18 février > Essai France

Pour ceux qui auraient oublié leur lecture de L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme de Max Weber - et ils sont nombreux ! -, voici une réactualisation pop. Entendez : décapante et branchée. Ancien directeur adjoint du palais de Tokyo et conseiller de Frédéric Mitterrand au ministère de la Culture, Mark Alizart est l’auteur d’un film et d’un livre sur le sociologue britannique Stuart Hall (Amsterdam, 2007).

Dans cet essai iconoclaste, donc stimulant, ce jeune philosophe spécialiste de la pop culture nous explique en quoi le protestantisme pourrait à nouveau enchanter la société comme il le fit au XIXe siècle, en Europe et surtout aux Etats-Unis via le fameux réveil méthodiste qui légua son "in God we trust" sur chaque dollar. A partir de la martingale économico-spirituelle du John Wesley de la fin du XVIIIe siècle, Mark Alizart déroule le fil d’une histoire de la pensée où Dieu n’est jamais vraiment absent, avec l’idée que cette Pop théologie pourrait être la solution au déclin cent fois annoncé de l’Occident. Dans ce monde postmoderne, il préfère opter pour une voie médiane entre les nihilistes qui veulent tout rebâtir après l’effondrement du capitalisme et les ludiques qui applaudissent à l’hyperconsommation.

Pour tout dire, Mark Alizart n’observe pas de ligne claire entre deux conceptions d’une modernité peu engageante où le libéralisme frénétique serait sur le point de gagner sur le libéralisme pépère. Il préfère envisager le protestantisme à la Wesley comme une nouvelle force motrice qui associerait travail, profit et temps libre. Pour lui, cet art de l’essor entraînerait l’essor de l’art puisque cette pop théologie exalte aussi le beau qui s’apprécie lors des loisirs. Inviter le protestantisme à la table de la postmodernité aurait peut-être fait sourire Baudrillard ou Lyotard. Mais dans sa relecture des textes, Mark Alizart repère des tendances. Il replace ainsi les origines du rock and roll dans une "éthique de l’incarnation", saisit des messages subliminaux christiques derrière les slogans de Coca-Cola - "Enjoy" - et de Nike - "Just do it" - ou souligne le catéchisme cinématographique de La guerre des étoiles et de Harry Potter. Selon lui, "nous sommes déjà tous devenus des puritains 2.0, bon gré mal gré". Reste à savoir si c’est une bonne nouvelle… L. L.

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