Etendue de sable fin, eau bleu vert translucide, palmiers, flore tropicale… Trinité-et-Tobago ressemble à son cliché de carte postale. De mère trinidadienne et de père irlandais, Amanda Smyth, qui a grandi en Angleterre et y vit toujours, se rend régulièrement dans la petite république des Caraïbes. C’est là qu’elle choisit de situer son premier roman, Black rock (Phébus, prix du Premier roman étranger 2010), un livre inspiré du meurtre non élucidé de son arrière-grand-père maternel dans les années 1950. Dans sa deuxième fiction, Une sorte de paradis, elle retourne à Trinité-et-Tobago. Mais ici on demeure dans la période contemporaine. Le personnage principal n’est plus une jeune femme du cru mais un étranger venu travailler dans ce microcosme à la fois paradisiaque et extrêmement violent. Amanda Smyth se rappelle comment lui est venue l’idée d’écrire sur l’envers du décor : "Chaque fois que je retournais là-bas, je me rendais compte à quel point la société y était brutale, j’entendais ma mère me raconter que telle personne avait eu les doigts coupés, qu’une autre avait été enlevée, qu’on avait retrouvé un enfant mort dans une plantation…"
Martin Rawlinson, au mitan de sa vie, est un flic à la retraite reconverti dans la formation des policiers de Trinité. Cette mission était l’excuse idéale pour cet homme endeuillé par la disparition soudaine de sa fille aînée Beth, victime d’un anévrisme cérébral. Ainsi, en quittant l’Angleterre où l’attendent son épouse Miriam et leur cadette Gloria croit-il échapper à son chagrin. De fait la beauté des lieux l’envoûte, l’exotisme des mœurs le fascine, cette nonchalance à la limite de l’inconscience : tous les Trinidadiens semblent boire comme des trous et conduisent tels des fous, peu survivent aux accidents… Pour lui, l’accident, c’est la rencontre avec la sensuelle Safiya, jeune journaliste dont il pourrait être le père. Un accident qui le fera renaître. Avec Safiya, il se découvre "jaloux de son espace", "intransigeant","lunatique" mais aussi "passionné" et "généreux", selon les mots de son amante.
La mission tire sur sa fin. Martin décide de faire venir sa famille pour un séjour à Tobago - Trinidad est trop petite, ils risqueraient d’y croiser Safiya - afin d’annoncer à Miriam leur rupture. Location de villa, virées en 4×4, baignade quotidienne… A Gloria il est heureux de montrer la luxuriante nature. Avec Miriam il a refait l’amour, sans entrain. Martin est plus guide touristique qu’attentif père et mari. Puis un jour surgissent dans la villa trois jeunes, des pêcheurs du coin qu’il reconnaît. Effraction, agression, viol, les vacances tournent au cauchemar. L’histoire de tromperie est emportée par le crime. Amanda Smyth était bien trop fine pour nous servir une romance aux saveurs tropicales. Elle instille l’amer poison du remords dans le cœur de l’égoïste énamouré et nous fait tourner les pages avec une tension de polar glacée. S. J. R.