En prévision de sa prochaine édition qui se tiendra du 21 au 23 novembre, le forum d’Avignon a produit comme chaque année plusieurs études sur l’économie de la culture, qui donnent quelques repères sur le poids relatif de ses principaux secteurs : cinéma, livre, musique, jeux vidéo.
Résolument optimiste, l’étude du cabinet Kurt Salmon qui appuie le thème central des rencontres de 2013 consacrées aux «pouvoirs de la culture», estime que «les industries culturelles et créatives sont un secteur en expansion», avec une croissance évaluée à 5% par an d’ici 2017. La multiplication des terminaux numériques, les nouvelles formes de diffusion de contenus et la montée des pays émergents font partie des facteurs favorables.
Le chiffre d’affaires mondial du livre est évalué à 150 milliards de dollars, deuxième industrie culturelle après le cinéma (aux environ de 200 milliards de dollars), mais avec la plus faible des perspectives de croissance, à +2% annuels d’ici à 2017, contre +9% pour les jeux vidéo, +5% pour la musique, et +4% pour le cinéma. Ces quatre secteurs totaliseraient 500 milliards de dollars de volume d’affaires en 2017.
Le livre a connu un net recul au cours des dernières années, non en raison du piratage comme dans la musique, mais à cause d’une baisse du lectorat mondial, évaluée à -10% au cours des dix dernières années.
L’équipement en terminaux numériques est considéré comme porteur de développement aussi dans le livre, dont les marges sont considérablement améliorées pour les producteurs sur ce nouveau canal de diffusion. En France, leur part dans le livre numérique atteindrait 48% d’un prix moyen toutefois presque divisé par deux à 5,70 €, contre 30% de part dans le papier pour un prix moyen de 10,90 €. Le cabinet n’indique pas de source précise concernant ces estimations.
Internet abaisse considérablement la barrière à l’entrée du marché pour les créateurs grâce aux diverses plateforme d’auto-édition et d’auto-production, et les consommateurs se montrent réceptifs à l’achat direct auprès des artistes. Pour ces derniers, ces plateformes ne sont toutefois qu’un pis aller, permettant de «pallier l’accès difficile aux majors».
«L’autoproduction au sens large, incluant la diffusion et la distribution, reste donc avant tout un outil permettant de tenter d’intégrer le circuit traditionnel, toujours considéré comme la voie royale permettant d’asseoir sa crédibilité» selon l’analyse de Kurt Salmon. Ce circuit traditionnel est aussi plus sûr sur le plan des revenus. En auto-édition, «le revenu moyen total par livre ne dépasserait pas les 25 $», selon une estimation basée sur les données publiées par lulu.com pour les années 2001-2011.
Les équilibres sur ce point ne sont pas fondamentalement remis en cause : «celui qui détiendra le pouvoir demain sera toujours celui qui offre de la visibilité à l’artiste», c’est-à-dire l’éditeur dans la chaîne du livre.
Le sort de la librairie apparaît malencontreusement assombri, en raison d’une confusion avec les distributeurs de presse : l’étude affirme que «1 100 libraires ont fermé en France entre 2010 et 2012», un chiffre qui concerne les kiosquiers plus que les librairies spécialisées dans le livre.
Le pouvoir des consommateurs, exercé via les réseaux sociaux ou récupéré par leur intermédiaire, semble aussi émerger plus lentement en France. 58% des Français interrogés dans le cadre d’un sondage réalisé pour cette analyse disent ne pas avoir l’intention ou ne pas voir l’intérêt d’exprimer leur avis sur un auteur ou une oeuvre via un de ces réseaux, manifestant la distance la plus grande, comparativement aux consommateurs des autres pays (Chine, Etats-Unis et Inde).
Le risque vient des quasi monopoles qui se sont installés dans la distribution numérique. Kurt Salmon plaide pour un rééquilibrage des pouvoirs, passant par l’harmonisation des cadres fiscaux européens, l’émergence d’un distributeur pan-européen, et d’un tiers de confiance qui garantirait la transparence sur les données de ventes et d’utilisation de contenus sur ces plateformes.
L’étude en appelle au rôle régulateur des pouvoirs publics, qui ont aussi intérêt à disposer d’une industrie créative dynamique en raison du pouvoir d’influence (soft power) qu’elle permet d’exercer. En la matière, les Etats-Unis raflent toujours la mise, via leurs exporations dans tous les secteurs de la culture, que la France tente de contenir via sa défense de l’exception culturelle.
Laboratoire de réflexion sur l’économie de la culture, le forum d’Avignon produit pour chacune de ses rencontres des études thématiques à l’appui des rencontres organisées une fois par an, ponctuées de manifestations intermédiaires.