22 SEPTEMBRE - ROMAN Etats-Unis

Rona Jaffe- Photo GETTY IMAGES/PRESSES DE LA CITÉ

Quasi oubliée aujourd'hui, et en toute injustice, Rona Jaffe, disparue en 2005 à l'âge de 74 ans, fut la première romancière américaine à dépeindre les destinées de ses jeunes compatriotes, provinciales et de milieux modestes, qui avaient abandonné leur Colorado ou leur Wisconsin natal pour "monter" à New York, afin d'y réussir leur vie. A la fois traditionalistes et drôlement émancipées, leur rêve profond était de rencontrer l'homme idéal, de se marier et d'avoir des enfants. En attendant, elles prenaient un peu de bon temps, sortaient entre copines dans l'espoir de se faire draguer - mais pas question d'aller plus loin ! - ou juste pour picoler.

Et, surtout, pionnières, elles travaillaient. En général dans des emplois de bureaux, dactylos, secrétaires, assistantes. Tous les postes de direction étant occupés par des hommes, à quelques exceptions près, comme l'imbuvable Miss Farrow du roman, directrice littéraire chez Fabian. C'est cette génération, la sienne, celle des filles qui avaient 20 ans dans les fifties, et ce milieu, celui des "petites mains" d'un secteur tertiaire en plein boom, que la New-Yorkaise Rona Jaffe, qui travaillait elle-même à l'époque dans une maison d'édition, a choisis pour The Best of Everything, son premier roman.

Paru aux Etats-Unis en 1958, il fut aussitôt un best-seller, en phase avec son époque et son lectorat. En majorité des femmes bien sûr, qui se reconnaissaient dans les héroïnes du livre : Caroline, April, Barbara, Mary Agnes, ou même la malheureuse Gregg, l'apprentie comédienne. En France, Rien n'est trop beau avait été publié en 1960, chez Robert Laffont, dans une traduction de Jean Rosenthal, et jamais réédité depuis. Mais le texte original avait subi pas mal de coupes, pratique alors courante. Aussi les Presses de la Cité ont-elles l'excellente idée de le republier aujourd'hui, en version intégrale, traduction revue et complétée par le même Jean Rosenthal.

Soixante ans après que se sont déroulées les péripéties du roman, et alors que le statut de la femme, en particulier aux Etats-Unis, a profondément évolué, ce qui frappe dans Rien n'est trop beau, outre ses qualités littéraires, c'est sa modernité. Dans la composition, dans son ton, extrêmement direct, dans sa fraîcheur. Quant aux relations entre les hommes et les femmes, les combinaisons en sont à la fois infinies et éternelles : si Caroline, brillante éditrice et la seule pour qui son travail n'est pas un pis-aller mais une vraie passion, après de nombreux chagrins, finit par accepter le mariage avec Paul, un avocat d'affaires bien sous tous rapports mais dont elle n'est pas follement amoureuse, si April, après l'ignoble Dexter, finit par rencontrer le Ronnie parfait, et si Barbara obtient de son Sydney, plus âgé qu'elle, qu'il divorce et l'épouse, Gregg, elle, paiera au prix fort son rêve américain. Rien n'est trop beau est une belle surprise de cette rentrée littéraire.

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