2 janvier > Roman France

Les hôtels réussissent décidément à Philippe Fusaro. C’était déjà le cas au moment de Palermo solo (La Fosse aux ours, 2007). Ça l’est à nouveau avec Aimer fatigue, qui marque son arrivée aux éditions de l’Olivier. L’ancien libraire délaisse aujourd’hui l’Italie (quoique pas totalement, comme on va le voir) au profit de Tanger. Nous voici invités dans une suite du Minzah Hôtel. Où l’on découvre d’emblée Lulu, une actrice, irrésistible et « Hollywoodienne, avec majuscule », cantonnée dans les péplums. La belle rousse, qui redoute la solitude, aime parer son corps de déesse de vêtements signés Yves Saint Laurent.

Elle chantonne une ritournelle italienne, vient de faire l’amour avec un homme qui lui vernit délicatement les ongles des pieds. La Spia est un Italien du Sud aux cheveux noirs Sicile qu’on prenait jadis pour un sosie ou un cousin d’Alain Delon. Il a toujours de l’allure dans son costume châtaigne à fines rayures blanches, sa chemise couleur crème, sa cravate brun tabac. L’entreprise d’import-export où il prétend travailler sert de couverture à cet espion ordinaire que l’on envoie parfois en mission à Sofia ou à Izmir.

N’oublions pas de mentionner la présence du trop gros Memphis. Auteur à succès et poète raté, né à Tupelo, celui-ci se rase la nuit et écoute les bruits de la mer. Memphis traîne un vieux désespoir dont il n’arrive pas à se défaire. Il se soigne comme il peut au rhum-coco et au Seconal, n’arrivant pourtant pas à oublier l’écorchée vive qu’il a aimée tendrement…

Philippe Fusaro semble chez lui dans le microcosme de Tanger, entre Atlantique et Méditerranée, avec sa médina, sa grande mosquée, son port, l’entrée du détroit de Gibraltar. Le lecteur se laisse bercer par la mélopée lancinante qu’il orchestre avec doigté. Et accompagne bien volontiers les héros de l’auteur du Colosse d’argile (La Fosse aux ours, 2004, repris en Folio) à une fête en l’honneur du consul organisée au palais Moulay Hafid sur fond de musique arabo-andalouse, ou dans leur quête d’un bonheur qui leur file entre les doigts comme du mercure. Alexandre Fillon

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