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Les contrats, le Covid-19 et la force majeure

Les contrats, le Covid-19 et la force majeure

Les cas de "force majeure", qui permettent une exonération de responsabilité, sont expressément exclus de nombreux contrats commerciaux. 

Se dédouaner de ses obligations contractuelles en période épidémique — alors que les déplacements sont toujours limités, que les frontières sont encore fermées et que tous les professionnels sont à la peine — est une piste tentante.

Selon la conception juridique classique, la "force majeure" est ainsi constituée par un événement "imprévisible, irrésistible et extérieur" permettant une exonération de responsabilité.

Et l’article 1218 du Code civil dispose, en effet, depuis la réforme de 2016 du droit de contrats, qu’"il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1".
 
Peu de dispositions spécifiques

Dès le 29 février 2020, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a avancé que le coronavirus était un cas de force majeure pour les entreprises, en particulier dans les marchés publics de l’État, et a ainsi justifié l’absence de pénalités en cas de retard d’exécution des prestations contractuelles. Mais cette appréciation politique n’a pas de valeur en droit. 

De même, le Chef de l’État a évoqué, le 16 mars 2020, le report des factures d’eau, de gaz, d’électricité, etc. Des précisions sont intervenues, en droit, par le biais d’ordonnances qui sont devenues des règles de droit. Les nouvelles règles ont aussi encadré la fermeture des salles de spectacle, des commerces de librairie ou encore des bibliothèques, mais pas les maisons d’édition et encore moins la commande des catalogues par des musées ou de livres d’entreprises. Beaucoup de secteurs économiques en lien avec le milieu du livre n’ont pas fait l’objet de dispositions spécifiques liées à l’épidémie de Covid-19.

Or, les juges ont, par le passé, souvent statué durement en matière de maladie et d’épidémies, notamment à l’occasion de la grippe H1N1, de la dengue ou encore du chikungunya. Aux yeux de la jurisprudence, ces événements n’ont pas été considérés comme des "crises sanitaires constitutives d’événements de force majeure". De fait, les magistrats ont estimé que le risque médical était soit connu soit non assez dangereux.

Empêchement temporaire

Toutefois, pour ce qui est du COVID-19, le 30 janvier 2020, l’Organisation mondiale de la santé l’a qualité d’"urgence de santé publique de portée internationale". Cependant, le cocontractant qui veut se soustraire à une obligation de livrer ou de payer en invoquant le confinement, durant des mois, de la moitié de la planète doit démontrer la corrélation entre l’événement et l’impossibilité d’exécuter.

De plus, de nombreux contrats commerciaux excluent expressément les cas de force majeure, et en particulier le risque sanitaire ou les décisions prises par les autorités publiques. C’est la situation singulière dans laquelle se retrouvent notamment les organisateurs de festivals musicaux dont les assureurs leur rappellent sans pitié les termes des contrats.

En outre, soulignons que l’article 1218 du Code civil, précité, dispose : "Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat". Cela veut dire que celui qui n’a pas pu exécuter temporairement doit le faire dès que la situation se normalise peu ou prou et ne peut donc arguer d’une totale impossibilité.

Imprévision

Par ailleurs, un autre article du Code civil, l’article 1195, vise le cas, bien connu des juristes, de l’imprévision : "un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque". 

C’est pourquoi, la relecture attentive des contrats et autres bons de commande, comme l’examen factuel des situations individuelles, doit s’instaurer comme un nouveau et préalable geste-barrière à toute volonté précipitée de ne pas honorer ses obligations ou d’assigner son cocontractant… Ensuite, la renégociation, en toute connaissance juridique vérifiée des choses doit permettre de résoudre un certain nombre de difficultés. Rien ne peut forcer à la renégociation, mais gageons que le bon sens (des affaires) l’emportera.

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