"Le premier public visé, c'est les Dionysiens, mais ce n'est pas le seul, pour que les gens se mettent à lire, il faut des lieux pour ça", défend le libraire conscient de la situation du département. La Seine-Saint-Denis compte une dizaine de librairies pour 1,5 millions de résidents. Cela fait de lui le département le moins équipé de l’Hexagone. "On achète des livres dans le peu de librairie qu'il y a dans la région, on soutient le travail des libraires donc on ira acheter chez lui (au Dealer de livres). Il y a quelque chose qui cloche quand on se rend compte que même dans la préfecture (Bobigny), il n'y en a aucune.", déplore Delphine, une enseignante âgée de 49 ans.
"Les médiathèques font un gros travail auprès des jeunes scolaires, peut-être que les générations qui viennent se rendront davantage compte de la culture que peut offrir la lecture. Sur le parvis, il y a du passage donc ça peut pousser à l'achat de livre", partage la collègue de Delphine, qui vit dans le quartier depuis 14 ans. Pour elle, l'ouverture de la librairie à cet endroit est : "une super idée, car on manquait de ça dans le coin ! On va voir la gare autrement maintenant car, il y quelque temps, c'était ce qu'on appelle un coupe-gorge".
Une librairie en quête d'identité
"Ce lieu-là me parle, je voulais faire quelque chose sur le parvis et pour les habitants du quartier", raconte Luc Pinto Barreto qui a ouvert un simple stand l'année dernière où vendre quelques livres. Habitant à Saint-Denis depuis deux ans, les riverains peuvent retrouver dans ses 13m2, quelque 600 références de livres sur les 1000 que peut contenir l'espace. Mais l'objectif n'est pas de remplir le lieu. "J'ai choisi de mettre en avant des ouvrages qui me touchent tels que le monde du travail, la culture afro, ou le féminisme. Ils ne sont pas rangés par rayon mais par thème" détaille-t-il.
Totalement indépendant, Luc Pinto Barreto n'a "pas de restriction" concernant les différentes maisons d'éditions avec qui il travaille. "Je suis dans une phase d'observation, j'apprends sur le tas", témoigne-t-il. Pour ses premières semaines, la librairie sera ouverte le mardi, mercredi, vendredi et samedi de 10h à 13h puis de 14h à 18h. Mais ces horaires pourront changer selon l'affluence. Il aimerait également mettre en place des animations avec des conteurs, des rencontres avec des auteurs ou bien du théâtre de rue.
Un parcours atypique
D'une expérience dans l'hôtellerie du luxe qui l'a "déprimé", Luc Pinto Barreto ouvre un stand où vendre des livres sur le parvis de la gare en 2019. Le projet plaît et le pousse à lancer une cagnotte Leetchi avec un objectif de 10000 euros. C'est près de 16600 euros qu'il reçoit finalement des 582 contributeurs. Il est aussi subventionné à hauteur de 23000 euros par la SNCF et un appel à projet de l'Arc de l'innovation-Grand Paris.
Pour la journée de mardi, le libraire a réalisé une quinzaine de ventes. Installé dans son nouvel espace aménagé, le néo-librairie passe lui-même ses commandes de livre. Il s'appuyait auparavant sur la librairie Folies d'Encre à Saint Denis. C'est là-bas qu'il se forme, d'abord en stage et puis en CDD. "Au tout début, j'ai commencé avec mes fonds propres, ces aides vont me permettre les premiers mois d'être confortable, pour l'instant je ne me rémunère pas, mais l'objectif c'est d'en vivre", confie-t-il plein d'espoir.