« Il est nécessaire de connaître sa place sur cette terre », écrit Akwaeke Emezi. Mais comment la trouver quand le chaos règne dans sa propre tête ?
Ada vient au monde de façon inhabituelle. La tradition igbo affirme que les esprits façonnent la destinée d'un bébé dans les entrailles maternelles. A la sortie, ils s'envolent pour le laisser vivre sa vie. Mais ici, un incident se produit : ils restent prisonniers de la fillette. « La première des folies, c'est notre naissance, c'est qu'on ait fourré une divinité dans un sac de peau. » Ainsi, les esprits s'expriment et démultiplient la personnalité de l'héroïne. Colérique et caractérielle, Ada a du mal à intégrer la réalité. Lorsque ses parents se séparent géographiquement, elle se réfugie dans la lecture et la prière. « Elle a toujours été seine d'esprit. elle était simplement contaminée par nous », observent ses invités permanents. Virginia Woolf rêvait d'une Chambre à soi. Un luxe que la jeune fille ne peut pas s'offrir, puisqu'elle est envahie par cette cohabitation massive de voix.
L'une d'elles s'impose : Asughara, une nymphomane, sans foi ni loi, qui s'empare de son corps, assoiffé d'amour. Qui l'emportera ? « Ces autres sont la version la plus authentique de moi, avoue Ada. Je ne voulais pas être seule, alors j'ai choisi leur présence. » Une façon de parler des troubles de la personnalité et de l'identité, dont a aussi souffert l'auteure. Sa langue se situe à mi-chemin entre le conte et la prière orale. Ses esprits s'amusent à analyser les comportements humains en société, en famille ou en amour. Un regard sarcastique pointant nos ambivalences. Le New Yorker a été séduit par ce premier roman présentant une femme écartelée par sa prison intérieure. Original et troublant. Kerenn Elkaïm
Eau douce - Traduit de l'anglais (Nigéria) par Marguerite Capelle
Gallimard
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 20,50 euros ; 256 p.
ISBN: 9782072836015