Une cinquantaine de professionnels du livre ont participé le 20 mars aux Rencontres professionnelles franco-roumaines, avant l'ouverture du 33e Salon du livre de Paris, dont la littérature roumaine est l'invitée d'honneur.
Organisée par le Bureau international de l'édition française (BIEF) dans les locaux du Centre national du livre (CNL), la journée a débuté par un état des lieux de l'édition française et de l'édition roumaine. Le contexte économique roumain est en effet très différent de celui de la France: en Roumanie, où vivent 21 millions d'habitants, le salaire mensuel moyen avoisine 500 euros.
«La Roumanie est le premier pays francophone d'Europe après la France», a rappelé Jean-François Colosimo, président du CNL. Pour autant, seulement 256 traductions roumain-français ont été publiées dans l'Hexagone depuis 1989.
C'est surtout le contexte historique qui marque le paysage de l'édition roumaine. Après la chute du communisme en 1989 et la disparition de la censure, la production éditoriale a explosé. «Il y avait 4 000 maisons d'édition en 1990», explique Simona Kessler, de l'agence d'édition Simona Kessler. Un manque de professionnalisme a fait disparaître 85% d'entre elles. De 1995 à 2002, une phase de crise a donc suivi, avec une chute des tirages.
Puis la croissance reprend en 2003, grâce à plusieurs facteurs: baisse de la TVA, sortie de bestsellers occidentaux comme Da Vinci Code ou Harry Potter, campagnes de publicité et apparition des hypermarchés. En 2009, c'est la crise économique: des retards de paiement de 6 à 12 mois interviennent dans la chaîne éditoriale et de nouvelles réductions du personnel sont opérées. La chaîne de librairies Diverta - un équivalent de la Fnac en France - est mise en liquidation judiciaire en 2010.
Le contexte actuel de l'édition roumaine est donc particulièrement difficile: le volume des ventes de 2012 correspond à 40% de celles de 2008, soit 50 millions d'euros au lieu de 120.
Sur ces constats, la journée professionnelle s'est ensuite penchée sur trois domaines de l'édition - sciences humaines et sociales, littérature, jeunesse et bande dessinée - où les éditeurs français et roumains ont brossé le paysage du secteur.
Des réalités très contrastées sont apparues entre les deux pays. En Roumanie, un livre coûte 5 euros en poche et 8 euros en grand format; il n'y a pas de prix unique du livre. «Depuis 2009, des centaines de libraires ont mis la clé sous la porte», a expliqué Simona Kessler. L'intérêt pour la lecture reste faible puisque selon un sondage de l'Institut roumain d'études sociales, 50% des personnes interrogées n'avaient pas lu de livre en 2012.
Pour autant, de nombreux éditeurs sont actifs: 970 maisons d'édition ont publié en 2011 un total de 25 000 titres (contre 60 000 nouveaux titres en France). Simona Kessler a évoqué les éditions Baroque Books & Arts, qui réalisent depuis mai 2012 des beaux-livres sur des thèmes culturels. Les éditions Trei publient beaucoup de littérature, dont des traductions d'auteurs français comme Emmanuel Carrère ou Marie Darrieussecq. Cependant, comme l'a souligné leur directrice éditoriale Magda Marculescu, elles ont retrouvé l'équilibre grâce aux ventes de Cinquante nuances de Grey.
Le secteur des livres jeunesse est encore discret en Roumanie, où on ne trouve pas de librairies spécialisées jeunesse et très peu de rayons dédiés dans les grandes librairies. «Les écoles n'ont pas d'argent pour acheter des livres, alors qu'auparavant les enseignants avaient 5 euros par mois pour en acquérir», a ajouté Anamaria Pravicencu, des éditions Jumatatea Plina.