Aux lendemains de l’accord signé le 21 avril entre le collectif guyanais Pou Lagwiyann dékolé (Pour que la Guyane décolle), l’Etat et les élus locaux, qui met fin au conflit qui secouait la Guyane depuis le 23 mars, l’optimisme n’est pas de mise chez les trois libraires du territoire.
Même si les comptes ne sont pas encore totalement finalisés, le premier bilan de ce mois de blocages se révèle plutôt sombre. "Nous avons perdu un mois de travail complet, témoigne Frédéric Dumas, propriétaire de La Cas’A bulles, à Cayenne, et de Lettres d’Amazonie à Rémire-Montjoly. Le chiffre d’affaires est proche de zéro, les collectivités, fermées pendant tout le mouvement, ne nous ont pas payés et nous avons 70 000 à 80 000 euros de marchandises éparpillées dans différents ports qu’il va falloir retrouver."
Même son de cloche à Saint-Laurent-du-Maroni, dans l’ouest guyanais, où Judith Convert, qui dirige Le Toucan, déplore une perte sèche proche de 50 000 euros, et pour Guyalire, à Cayenne, qui conjugue une activité de grossiste et de librairie ambulante. Elodie Prodel, sa fondatrice, solidaire jusqu’au bout du mouvement et qui avait fini par installer des tables de livres sur certains barrages, espère ne pas être "propulsée vers un dépôt de bilan".
Fragiles économiquement avant la crise, les libraires guyanais sont passés en mode "survie", observe Judith Convert, qui se voit contrainte de ne pas renouveler deux CDD et craint que 2018 ne soit aussi hypothéquée par la crise. Chez La Cas’A bulles, Frédéric Dumas a annulé tous ses investissements programmés cette année, et notamment des chantiers de rénovation pour ses librairies. "Les moments les plus durs commencent, assure le libraire. L’ambiance reste morose, la consommation locale est en berne et on va mettre des mois à absorber les effets de la crise."
En attendant, le libraire s’emploie, comme ses confrères, à rouvrir ses comptes auprès des distributeurs, bloqués depuis le 26 mars, à rassembler sa marchandise et à négocier des reports de ses charges. Il organise également, avec l’accord des fournisseurs, "d’énormes retours sur pilon" pour épargner sa trésorerie, et se tourne résolument vers la rentrée scolaire, période clé pour les libraires guyanais. Cécile Charonnat