Benjamin Stein débarque en France avec un curieux volume qui présente deux histoires imprimées tête-bêche. Paginée de W.9 à W.222, la première s’intitule Jan Wechsler. Il y est question d’un homme de quarante ans passés, marié et père de deux enfants. Un homme, né dans les années 1960 en "Allemagne côté Est", qui n’ouvre pas sa porte le jour du shabbat.
Editeur et auteur, ce dernier reçoit un jour la visite d’un coursier qui lui explique qu’une valise perdue sur le vol Tel Aviv-Munich a été retrouvée. Une valise de pilote qu’il jure n’avoir jamais vue et qu’il laisse traîner sur son bureau bien que l’étiquette soit remplie de son propre nom. Lorsqu’il se décide enfin à en explorer le contenu, ladite valise recèle notamment un livre de poche, Mascarades, signé par un dénommé Jan Wechsler portant étrangement le même nom que lui.
Mascarades parle du "commerce de l’Holocauste", ainsi que d’un auteur, Minsky, et de son livre qui a fait sensation : Jours decendres rassemble les souvenirs d’un petit garçon dans le ghetto de Riga et divers camps d’extermination. Or, selon Wechsler, Minsky a menti et n’est pas un survivant… Qui est vraiment quant à lui le narrateur ? Quelqu’un qui dit avoir gagné au loto, s’être recyclé dans le conseil en entreprise et être très occupé par le moi en lui…
En retournant l’ouvrage dans l’autre sens, on pourra lire ensuite Amnon Zichroni, folioté de Z.9 à Z.208. Le narrateur est un psychanalyste qui a jadis volé un exemplaire du Portrait de Dorian Gray, le roman d’Oscar Wilde auquel l’autre Jan Wechsler a pensé en inspectant le contenu de la valise. Dévoilons juste que le thérapeute est celui qui a encouragé Minsky à coucher son enfance sur le papier… Puzzle redoutable dont on assemble peu à peu les pièces, Canevas captive autant qu’il questionne. Al. F.