Depuis la parution de Dans les coulisses du musée (éditions de Fallois, 1996, repris au Livre de poche), la virtuosité littéraire de Kate Atkinson a été plus qu’évidente. Après avoir suivi pendant plusieurs livres les aventures de son héros Jackson Brodie - trois d’entre eux ont été repris en un même volume en 2013 au Livre de poche : La souris bleue, Les choses s’arrangent mais ça ne va pas mieux et A quand les bonnes nouvelles ? -, l’Anglaise impressionne plus que jamais. L’ambitieux et brillant Une vie après l’autre lui a valu le Costa Book Award 2013 et marque son arrivée chez Grasset.
Le meilleur roman à ce jour de Kate Atkinson est une saga familiale en regard avec les cahots de la grande Histoire. Un jour de neige en février 1910, Sylvia Todd s’apprête à mettre au monde son troisième enfant après Maurice et Pamela. Fille d’un portraitiste mondain trop tôt disparu à cause d’un excès de cognac, Sylvia a épousé jeune un banquier qui travaille à Londres. La petite Ursula naît mais meurt aussitôt, asphyxiée par son cordon. Ursula, on va pourtant la suivre au fil des années.
Car Kate Atkinson a décidé de jouer les magiciennes. De lui donner d’autres chances, d’étudier ce qui lui arrive. Quatre ans plus tard, les ténèbres s’abattent déjà à nouveau sur elle. Quand elle est entraînée à sauter dans les vagues par sa sœur et qu’elle se noie. Avant d’être sauvée par un commis principal venu peindre sur cette plage de Cornouailles. Une vie après l’autre s’attache à l’évolution de la famille Todd, installée dans une maison à la campagne avec quelques domestiques et un chien. On ne peut quitter des yeux une Ursula dotée d’un sixième sens, sujette à des pressentiments bizarres, à une impression de déjà-vu. Une Ursula qui pousse la bonne dans l’escalier. Se réfugie souvent chez l’excentrique tante Izzie qui publie sous le pseudonyme de Delphie Fox et se fait photographier par Cecil Beaton.
Suivant les directions que prend son existence, la voici qui vit seule à Bayswater, boit en cachette et épouse un homme qui se révèle froid et violent. Ou bien qui entame une liaison avec un homme marié. Avant de tirer sur Adolf Hitler dans un café de Munich… On aurait peine à dire ce qui frappe le plus dans ce roman aussi complexe que fascinant. Son élégance tout anglaise. Sa mélancolie. Son humour. Ses dialogues éclatants. Ses scènes mémorables. Une chose est certaine, Une vie après l’autre risque fort de marquer durablement les esprits. Al. F.