Dans la famille Ziller, je demande d'abord le père. Le quadragénaire Warren a entraîné les siens du Wisconsin jusqu'en Californie. Lui qui rêvait, adolescent, d'être magistrat s'est retrouvé à travailler dans l'immobilier. L'Etat doré, comme on surnomme la Californie, il comptait y faire fortune en vendant des maisons abordables. Mais il n'avait pas prévu l'arrivée d'une décharge à côté du lotissement. Ni la saisie de sa Chrystler et de ses meubles...
Son épouse Camille est une femme résolument optimiste qui réalise des documentaires qui sont projetés dans les écoles. Ses enfants la traitent parfois de "mère twin-set", sous prétexte que les couleurs pastel lui vont bien. Les petites canailles la surnomment également "Pyrex, déesse des gratins", on vous laisse deviner pourquoi !
Les Ziller juniors sont au nombre de trois. L'aîné, Dustin, joue de la guitare dans un groupe punk, s'apprête à entrer à l'université et voudrait bien que la sculpturale Kira, sa petite amie depuis un an, lui accorde enfin ses faveurs. La rouquine Lyle, seize ans, roule en Renault et vend des glaces. L'un de ses passe-temps favoris est de détester les gens. Ce qui ne l'empêche pourtant pas de sortir avec Hector, le gardien mexicain de leur résidence, qui arbore une moustache rêche et écrit des poèmes. Jonas, le cadet âgé de onze ans, a quant à lui la particularité de s'habiller en orange de la tête aux pieds...
Eric Puchner, dont la collection "Terres d'Amérique" d'Albin Michel avait déjà accueilli en 2008 un recueil de nouvelles remarqué, La musique des autres, sait parfaitement doser ses effets. L'Américain oscille ici constamment entre le drame et la comédie avec beaucoup d'aisance. On pense un peu à John Updike ou à Tom Perrotta pour la description de la classe moyenne, les fêlures du couple et de la famille. Sur un canevas décidément inoxydable, Puchner arrive à imposer son rythme et sa petite musique, à laisser entrer dans son talentueux premier roman une certaine étrangeté à la fois bienvenue et prometteuse.
