Ils vivent loin l’un de l’autre, se voient peu souvent. Ce qui n’empêche pas Paul Auster et J. M. Coetzee de s’écrire ou de s’envoyer des fax. Leurs savoureux échanges sont désormais disponibles au public chez Actes Sud dans Ici & maintenant, une correspondance qui court de 2008 à 2011.
J. M. Coetzee ouvre les hostilités avec une solide réflexion sur les liens d’amitié qui l’amène à affirmer que l’amitié est « transparente ». Depuis Brooklyn, Auster réplique que les hommes ont tendance à ne pas parler de ce qu’ils ressentent. Que les amitiés les meilleures et les plus durables sont fondées sur l’admiration.
Dans la foulée, il cite les Carnets de Joseph Joubert, se souvient de Billy, son premier camarade. Les deux hommes évoquent au fil des pages leurs épouses respectives, Siri et Dorothy, leurs petits problèmes de santé ou les désagréments dont ils peuvent être victimes. L’auteur de Disgrâce convoque Platon quand il se penche sur la crise dans la finance mondiale. Celui de Moon palace narre au détour d’une missive sa rencontre avec l’acteur Charlton Heston dont il ne partage pas vraiment les idées politiques.
Ces deux-là se parlent de Samuel Beckett. Du plaisir coupable de regarder le sport à la télévision. De l’inceste en tant que sujet. Auster donne son avis sur le pouvoir de la fiction. S’interroge sur le rapport à la nourriture. Ne pas manquer le passage où il traite de la relation d’un écrivain avec les critiques de ses livres.
Considèration qui le conduisent à rappeler que Norman Mailer a un jour envoyé un coup de poing dans le ventre d’un journaliste ou que Richard Ford s’est laissé aller à cracher au visage d’un plus jeune romancier qui avait écrit « un article exécrable, mesquin, sur son dernier livre ». Coetzee émettant quant à lui un jugement d’une rare justesse : «Le plus horrible dans le monde des plumitifs - animosités, flagornerie, médisances et ainsi de suite - vient parfois d’un besoin désespéré de gagner sa vie tant bien que mal» !
Al. F.
