C'est un jeune boucher. Le torse barré d'un tablier, les mains gantées de métal, il s'active d'abord cent cinquante-deux secondes durant lesquelles mille gestes sont décomposés. Avant d'être le héros de Comme une bête, le nouveau livre de Joy Sorman, Pim est au coeur d'un clip promotionnel sur les métiers de la viande. Ce fils d'employés de mairie a 16 ans et des mains de pianiste, "osseuses, immenses". Jeune homme maigre au teint pâle, il pleure "souvent, sans raison et même sans envie".
Pim a pourtant intégré le centre de formation des apprentis de Ploufragan, 11 000 habitants. Ce n'est pas une vocation, mais il a choisi un boulot "salissant et concret", un secteur qui ne connaît pas la crise pour fuir l'école. Un CAP, formation en alternance, peut lui permettre d'obtenir le statut de boucher préparateur qualifié. Apprenti, il embauche donc à six heures du matin et débauche à vingt heures. Le garçon travaille dur et apprend vite. Pour lui, l'épreuve du feu est celle de l'abattoir.
Il lui faut apprendre à transformer des produits, les conditionner et les peser. Avant d'entamer une expérience de vacher, pendant un mois dans le pays de Caux, où il s'occupe de la vie quotidienne d'un troupeau. L'éleveur le met en garde : "Les bêtes faut les aimer pas trop sinon on est foutu"... Ici, il est sans cesse question de mort et de sang. D'un "soldat de la viande", d'un "chevalier viandard" avec ses tâches, ses gestes, ses outils. L'étonnant Pim, travailleur dévoué, "homme étanche à la brutalité, sans fiel". Lequel en vient à ouvrir une boucherie à Paris. Il se rend alors chaque mardi à Rungis, où il s'arrête d'abord au pavillon tripier...
Dans Comme une bête, qu'elle publie peu après Paris gare du Nord (L'Arbalète, 2011), Joy Sorman dissèque avec minutie le parcours et la psychologie d'un garçon qui reste modeste malgré le succès. Très documenté, le singulier projet littéraire de l'auteure de Du bruit (Gallimard, 2007, repris en Folio) s'échappe çà et là du réel et se révèle d'un bout à l'autre étrangement fascinant.