Livres Hebdo : Vous arrivez sur France Inter avec l’émission Etcétéra, pouvez-vous nous la présenter ?
Lilia Hassaine : C’est une émission d’une heure, avec deux invités en première partie. On essaye de faire en sorte qu’ils se complètent, comme avec Fatou Diome et Abel Quentin pour la première émission, samedi 31 août. Fatou Diome incarne l’axe francophone, elle est franco-sénégalaise, tandis qu'Abel Quentin représente la rentrée littéraire. Une deuxième partie est consacrée à la lecture, avec un classique proposé chaque semaine. Enfin des libraires francophones, de Suisse, de Canada, et de Belgique nous proposent leurs coups de cœur.
Quel est l’objectif de l'émission ?
Il y a deux objectifs. L’un est de faire connaître ce métier d’écrivain, qui selon moi n’est pas un métier. J’ai envie que les auditeurs puissent entrer dans l'atelier d’écriture des auteurs que je reçois, comprendre le déroulé, les implications, les horaires de chacun. L’autre est de donner envie de lire les classiques de la littérature, les livres de mes invités et les coups de cœur des libraires. Ce sont les deux missions principales.
« Écrivain, un métier qui n’est pas un métier ». Pourquoi cette formule ?
Écrire, c’est réussir à retranscrire des émotions, des impressions, être capable de se mettre à la place de l’autre. C’est plus une vocation qui nous appelle, on ne peut pas faire autrement. Il y a quelque chose de mystérieux dans l’écriture, d’où viennent les idées ? J’ai envie de poser cette question aux auteurs, de comprendre le point de départ d’un livre.
« Je ne suis pas que journaliste dans cette émission. Le fait d’écrire me met en empathie avec les auteurs car je partage cette expérience »
Vous êtes vous-même autrice. Quel est votre point de départ dans l'écriture ?
Il se situe dans les livres, dans la lecture. Avoir compris que certains écrivains étaient capables de mettre des mots sur des choses que je ressentais intimement sans être capable de les exprimer. Cela m’a tellement bouleversée de me rendre compte qu’à travers la poésie, on pouvait décrire en trois mots tout un monde ou une émotion très précise sans même l’évoquer.
Il s'agit de votre première expérience d'animatrice radio...
J’ai plusieurs fois animé des rencontres et interviewé des personnes du monde littéraire dans des salons du livre, c’est ce qui m’a donné confiance pour accepter cette émission. Et puis j’aime les auteurs, je suis toujours curieuse.
Comment s’est déroulée la création de cette émission ?
Cela s'est décidé tardivement en juin, après l’arrêt de l’émission La librairie francophone. France Inter voulait garder un programme littéraire dans cette case et on m'a proposé d’imaginer une nouvelle émission tout en conservant ce lien avec la francophonie. Cela m’a plu car je trouvais dommage de ne pas continuer à faire une émission autour de ce sujet. La francophonie représente un espace très ouvert sur le monde et un enrichissement culturel pour moi car je vais découvrir des auteurs. Lire quatre livres par semaine n'est pas, je le redis, un travail selon moi. Je sens que je peux apporter quelque chose de par mon expérience de romancière, je ne suis pas que journaliste dans cette émission. Le fait d’écrire me met en empathie avec les auteurs car je partage cette expérience.
Faire rayonner la francophonie est important pour vous ?
Je ne me pose pas la question de la nationalité des auteurs que je vais recevoir. Quand j'ai découvert le livre de Kévin Lambert l’année dernière, je ne me suis pas dit « Oh c’est un auteur québécois », mais seulement que son livre était bon. L'enjeu est surtout de faire attention à ce qu’il y ait une variété de profil. À la fin de l’année, je pense qu’il y aura eu des auteurs québécois, comme suisses ou africains. C’est la littérature, elle n’est pas fermée, sinon on ne lit pas. Je ne connais pas de vrais lecteurs qui lisent uniquement des Français, ça n’existe pas.
« Un bon livre est pareil à une rencontre amoureuse, il y a une part de mystère et d'inconnu qui nous échappe »
Quand vous lisez un livre, qu’est-ce qui vous fait dire : « C’est un bon livre et j’aimerais l’avoir dans mon émission » ?
La valeur de la littérature est très complexe car elle est subjective, même s'il existe aussi, à mon sens, des critères plus objectifs, comme sentir une voix, une singularité, une réflexion. Mais il demeure toujours une part de magie. Pourquoi une plume nous touche-t-elle plus qu’une autre ? Si je suis attrapée par un texte, cela peut tenir à l'histoire, au style comme au propos. Un bon livre est pareil à une rencontre amoureuse, il y a une part de mystère et d'inconnu qui nous échappe.
Vous serez prescriptrice pour vos auditeurs, passeuse de livres ?
Évidemment ! Je veux que les auditeurs courent en librairie après avoir écouté l’émission. On connaît l’état de la librairie en France aujourd’hui, à quel point c’est un métier compliqué. Quand on m’a proposé ce projet, j’ai été ravie car il n’y a jamais assez d’émissions et de lieux pour promouvoir la lecture.
Quels sont les auteurs et autrices, contemporains ou du patrimoine, que vous rêveriez de recevoir dans votre émission ?
J’avoue beaucoup aimer Patrick Modiano, Christine Angot, Maria Pourchet ou encore Leïla Slimani. Parmi les auteurs du passé, j’aurais voulu renconrter Milan Kundera ou Romain Gary, et sans hésiter Marguerite Duras. J’ai une passion pour elle depuis quelques mois, à la fois pour ses écrits et sa voix. J’aime autant la lire que l’entendre parler. Milan Kundera et Albert Cohen sont aussi des auteurs doués d'une manière de s’exprimer qui me bouleverse autant que leur plume.