J'ai grandi dans une banlieue parisienne tranquille, dans un pavillon avec un jardin et des animaux. Mon père aurait rêvé d'être fermier ! Si je parviens à continuer d'écrire, je me verrais bien ne faisant que cela, à la campagne ». La jeune femme qui parle ainsi, sage et résolue, c'est Lilia Hassaine. A 28 ans, chroniqueuse à Quotidien après avoir fait ses premières armes dans la presse écrite, puis à TF1, elle est l'une des étoiles montantes du Paf. Mais, tête bien faite autant que bien pleine, elle semble tout sauf grisée par les sunlights du showbiz. Son idole, c'est Patrick Modiano. Elle vient de le croiser chez leur éditeur commun, Gallimard, « il (lui) a souhaité bonne chance », raconte-t-elle, émue : « C'est un homme bienveillant, et un écrivain pas formaté pour la télé. » C'est le moins que l'on puisse dire.
Née dans une famille d'origine algérienne, fille de la troisième génération française, aînée d'une fratrie de quatre enfants, elle est « montée » à Paris à 17 ans, pour suivre de brillantes études de lettres. Toute jeune, la lecture est sa passion. Ses auteurs de prédilection ? Proust : « Au début, il m'agaçait, et puis j'ai été touchée par son élégance, sa délicatesse, sa justesse et son humour, dont on ne parle pas assez. C'est lui qui m'a donné envie d'écrire ». Echenoz, celui de Cherokee : « Pour sa liberté. Il m'a appris que, dans un roman, on peut tout se permettre ». Et Zweig : « Sa lecture a été déterminante. Il a un univers au centre duquel figure le merveilleux. Un genre auquel je suis très sensible. »
Bosseuse
Quoique ayant raté le concours de l'Ecole normale supérieure, elle aurait pu se présenter à l'agrégation, enseigner. Elle a plutôt choisi le journalisme, qui représente, à ses yeux, « une autre forme de pédagogie ». Tout ce qu'elle a obtenu, n'étant pas parisienne, ne connaissant personne dans la profession, elle insiste, elle l'a eu « par concours » : un stage au Monde, son entrée à l'IFP, « parce que je voulais une école publique de journalisme, plutôt qu'un institut privé », son CDD à TF1, et même son contrat avec Bangumi, la société de production du tandem Laurent Bon-Yann Barthès, alors en charge du Petit Journal, sur Canal +, puis de Quotidien sur TMC. Elle a fait ses premières armes en coulisses, apprenant son métier, bosseuse, sérieuse. Et puis, « évolution logique », le passage à l'antenne : « un défi à ma timidité, mais une belle reconnaissance de mon travail ».
Cependant, en secret, depuis trois ans, un autre projet la taraudait : un roman. Des vacances en Croatie, où elle découvre, en face de Dubrovnik, une île mystérieuse dont elle fait « l'île aux paons », seront le déclic. Elle écrit en secret, doute, ne montre à personne sauf « à (sa) petite sœur de 13 ans » et se résout à envoyer son manuscrit. En premier chez Gallimard, à Ludovic Escande, dont elle a apprécié une interview sur Internet. Quatre autres maisons sont prévues si ça ne marche pas. Elle n'en aura pas besoin. L'éditeur l'appelle. Il a aimé L'œil du paon. Le livre paraîtra dans la « Blanche ». Une histoire de malédiction, venue du Moyen Age jusqu'au Paris d'aujourd'hui, où la jeune Héra, présomptueuse et orgueilleuse, se fera piéger. Une atmo- sphère à la lisière du fantastique, façon XIXe siècle, Barbey d'Aurevilly ou Villiers de l'Isle-Adam.
« Le journalisme télé s'inscrit dans un temps court, explique la jeune femme, moi je voulais m'inscrire dans un temps long. Et puis, je ne pouvais négliger la sortie de mon premier roman. Cela ne se vit qu'une fois. » Alors, elle est partie de Quotidien pour cette saison, et ignore ce qu'elle fera en janvier. Ecrire, forcément, et, peut-être, « pouvoir se taire ». Son idéal. Lilia Hassaine, comme les paons, est un oiseau rare.
L'oeil du paon
Gallimard
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 18,50 euros ; 240 p.
ISBN: 9782072853906