Avant-critique Roman autobiographique

Linda Boström Knausgård, "Fille d'octobre" (Grasset) : Chocs de mémoires

Linda Boström Knausgard - Photo © Christina Ottosson Oygarden/Grasset

Linda Boström Knausgård, "Fille d'octobre" (Grasset) : Chocs de mémoires

L'autrice suédoise Linda Boström Knausgård retrace quelques douloureuses années de sa vie ponctuées par des internements non consentis en hôpital psychiatrique.

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Par Marie Fouquet
Créé le 21.10.2022 à 09h00 ,
Mis à jour le 21.10.2022 à 12h07

Deuxième roman traduit en français de l'autrice suédoise Linda Boström Knausgård, Fille d'octobre est un récit autobiographique qui se concentre sur quelques années de la vie de l'écrivaine. Alors qu'elle vivait au sein d'un couple prêt à éclater, avec quatre jeunes enfants à élever, son quotidien était ponctué par des épisodes dépressifs la conduisant régulièrement en hôpital psychiatrique.

« J'aurais voulu tout raconter sur l'usine. » Les premiers mots du livre dénoncent une thérapie banalisée par le corps médical en psychiatrie, l'électrochoc. L'emploi du conditionnel est explicite : les récits d'expériences vécues comme patient en psychiatrie sont rares, ceux témoignant des électrochocs peut-être même davantage (en 2019 néanmoins, dans Chocs, Marc Grinsztajn racontait lui aussi les conséquences de tels traitements). Et pour cause, leur impact sur la mémoire est catastrophique.

Dans Fille d'octobre, l'autrice et narratrice révèle les désastres de ces méthodes médicales sur son activité d'écrivaine, et bien évidemment sur sa vie de femme et de mère. Au gré d'un style parfois haché, des images et des événements s'enchaînent sans l'évidence d'une association d'idées classique et cohérente. Linda Boström Knausgård traduit ainsi l'expérience d'une tentative pour retrouver la mémoire quand celle-ci est altérée et pour restituer des souvenirs gommés à l'électricité.

Non sans une certaine colère mêlée de dérision - il n'y aurait pas d'effets secondaires aux électrochocs selon les médecins auxquels elle a affaire -, elle décrit à la fois la négligence médicale et les interactions délirantes avec d'autres patients au sein du service où elle fut internée sans son consentement. L'écrivaine révèle un univers dont la violence prend aussi forme dans la manière dont sont administrés ces électrochocs : les patients, endormis les uns à côté des autres sur des brancards séparés par de fins rideaux, remplissent ainsi cette salle de l'hôpital que l'autrice qualifie, tout au long du récit, d'« usine ».

Linda Boström Knausgård raconte ici une lutte de tous les instants, où il lui a fallu faire face à ses troubles psy eux-mêmes, à leurs représentations dans la société, aux traitements proposés par le corps médical, à l'épreuve de voir le père de ses enfants parler d'elle dans ses romans... et à la difficulté d'écrire de sa propre voix.

Linda Boström Knausgård
Fille d'octobre Traduit du suédois par Terje Sinding
Grasset
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 19 € ; 240 p.
ISBN: 9782246824817

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