15 janvier > Roman France

Présente-t-on Richard Morgiève ? 64 ans, une trentaine de textes publiés, dans tous les genres. Love qui, après Mouton (2010), United colors of crime (2012) et Boy (2013), est le quatrième à paraître chez Carnets Nord, est un conte d’anticipation post-apocalyptique. Le héros s’appelle Chance. C’est un tueur, programmé par "le Contrôle", une sorte de Terminator 2.0, androïde superentraîné qui reçoit des ordres dans une oreillette greffée dans son oreille et analyse les données transmises par des "lunettes "intelligentes""… Chance est en mission dans un TGV, un 25 juillet de canicule, quand, après Montélimar, tout devient chaos, un séisme provoquant la destruction de la centrale nucléaire du Tricastin. Il est immédiatement exfiltré vers l’est et les plateaux ardéchois, direction Aubenas. Au rythme tendu, haletant, digne d’un hybride de film catastrophe, d’action et d’espionnage, la fuite de Chance devient en réalité une traque, le Contrôle ayant décidé d’éliminer son agent. Dans sa cavale, il croise une jeune femme qui choisit de continuer sa route sans lui et de suivre des bikers. La retrouver devient alors son obsession, sa quête.

C’est la fin du monde mais, pour Chance, c’est le temps des premières fois. Des premiers matins des origines. De la première cigarette offerte par "la fille" sans prénom qui a prétendu avoir les yeux rouges. "Chance et elle partageaient le temps. Ils faisaient la même chose, ensemble. C’était sommaire et agréable." Libéré de ses missions télécommandées, il découvre la vie, les odeurs, les "beaux paysages", ce que veut dire "un choix", "être responsable de ses actes", il prend conscience des sentiments : la culpabilité, la honte, la compassion, l’épuisement, le désarroi, le doute qui accompagne la liberté et, les transcendant tous, l’amour. Le robot sans identité ni états d’âme ne se contente pas de survivre, il s’invente en humain dans une sorte de mutation monstrueuse à l’envers, aidé dans sa métamorphose par la rencontre avec un homme blessé à qui il vient en aide, avec un loup qui devient son allié. Et, bien sûr, avec cette fille qui "mettait ce i qui changeait tout dans amer".

La fable crépusculaire va bien à la verve noire de Richard Morgiève, à l’ironie comique dont il ponctue les situations les plus désespérées. A ses visions hallucinées d’une humanité en déroute, sa forme de romantisme gore, furieux, primitif. A un marchand de livres d’occasion que Chance croise à Largentière et à qui il demande si son histoire ne ressemble pas à celle de La route de Cormac McCarthy, le libraire répond : "Ce n’est pas l’histoire qui fait la littérature mais la façon de l’écrire… D’imposer la chimère. Sans chimère pas d’histoire non plus." Les chimères créées par Richard Morgiève sont toujours aussi spectaculaires. Véronique Rossignol

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