Si, en 1987, Jim Powell, candidat tory aux élections législatives dans la circonscription de Coventry, une ville industrielle en plein marasme, avait été élu, il ne serait peut-être pas devenu écrivain. Député, ministre, pourquoi pas Premier ministre, anobli par la Reine ? Mais il a été battu, "de 4 000 voix". "C’était en plein dans les années Thatcher, raconte-t-il. J’étais conservateur, mais "du centre", en désaccord avec sa politique sociale, ses diatribes contre les chômeurs. Je savais que j’allais perdre ! La politique m’a toujours passionné, mais je ne voulais pas devenir un professionnel." Il a donc renoncé, mais reste un homme engagé : "Je voterai "In" au référendum sur l’Europe", dit-il. Mais par procuration : les Powell partagent leur temps entre une maison à la campagne, dans le Northamptonshire, et la France, un petit village du Tarn "où il y a bien moins d’Anglais qu’en Dordogne et dans le Lot". Né à Kensington ("C’est la France à Londres !"), il adore notre pays et se débrouille en français.
Il aurait pu être aussi pop star, il compose des mélodies "dans [sa] tête", met des paroles dessus, a enregistré quelques démos, mais attend toujours de rencontrer son Pygmalion. Une de ses chansons, I can do soft, est en écoute sur son site Internet. Fan de musique, il a même travaillé, dans sa jeunesse étudiante, pour les Beatles. "C’était en 1969-1970, période Let it be. Une agence d’intérim m’avait proposé un job chez Apple, leur maison de disques. J’ai côtoyé John, George et Ringo. Pas Paul. Ils étaient déjà fâchés." Sans même oser leur demander un autographe ni une recommandation. "La musique, pour moi, ça n’a pas marché, mais, jusqu’en 2007, les romans non plus."
Flegmatique
Car, s’il a mené une vie riche, avec des expériences variées (il a aussi été consultant, patron d’une entreprise de céramique reconnue, mais pas rentable à cause des salaires du Made in England, qu’il a dû arrêter en 2001), Powell a "toujours écrit". Poèmes, chansons, et un premier roman, en 1974-1975, refusé par "des centaines d’éditeurs". "Ce n’était pas très bon", admet-il, flegmatique. Ce qui ne l’a pas empêché de continuer d’envoyer ses manuscrits aux éditeurs, et même à des agents. Et puis, enfin, en 2007, The breaking of eggs est publié par Orion : un roman qui traite, entre autres thèmes, du fascisme et du communisme au xxe siècle. Succès critique plus que commercial, mais traductions dans sept pays - pas la France : peut-être un jour chez Sonatine, si Moi, ma vie et les autres (paru chez Picador en mars) marche bien. C’est tout le mal qu’on souhaite à ce roman d’introspection, où un homme de 60 ans, qui traverse une passe difficile (alcoolo, trader au chômage…), regarde son parcours, comme sa tête dans le rétroviseur de sa voiture, et se demande quelle direction il va prendre. Le tout avec une ironie bien sombre. "Je ne voulais être ni drôle ni triste, explique l’auteur, c’est a soft book with a hard end".
Jim Powell compte beaucoup sur le public de ce côté-ci du Channel. "La France est différente dans ses goûts, en particulier littéraires, c’est pour ça que je l’aime." Thank you, my Lord. Entre-temps, il a déjà terminé son prochain opus, Things we nearly new, se demande s’il ne va pas enfin enregistrer un disque, et prépare, à l’université de Liverpool, un doctorat sur l’histoire du coton, à laquelle sa famille, les Peacock, fut autrefois mêlée. On comprend pourquoi il vit à la campagne. Jean-Claude Perrier
Jim Powell, Moi, ma vie et les autres, Sonatine. traduit de l’anglais par Marianne Thirioux. Prix : 19 euros, 207 p. Sortie : 18 mai. ISBN : 978-2-35584-503-1