Françoise Benhamou et Nicolas Georges dans une table ronde avec E. Karaïtidi et A. Rasinka-Bobr - Photo Olivier Dion
L'organisation du livre en France exemplaire pour l'Europe ?
Les Premières rencontres des organismes européens du livre organisées par le CNL en marge du Forum de Chaillot ont permis de constater que les professionnels français bénéficient d'un des environnements les plus favorables au sein de l'Union.
Par
Hervé Hugueny Créé le
04.04.2014
à 22h40, Mis à jour le 05.04.2014 à 17h05
Organisées en même temps que le Forum de Chaillot "Avenir de la culture, avenir de l'Europe" du ministère de la Culture, dans une autre aile du Palais de Chaillot, à Paris, à l'initiative du Centre national du livre (CNL), les Premières rencontres des organismes européens du livre réunissent 18 institutions similaires les 4 et 5 avril.
Vincent Monadé, président du CNL- Photo OLIVIER DION
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"Nous menons ensemble des combats communs ; ensemble nous serons une force qui va permettre de défendre ces positions devant la Commission européenne", promet Vincent Monadé, président du CNL, qui voudrait que ces rencontres soient "les premières d'une longue série. Nous pourrions nous retrouver une fois par an dans un pays d'Europe pour partager, débattre, échanger sur des solution innovantes", propose-t-il. Vincent Monadé espère clôturer ces deux jours de rencontres, ce samedi 5 avril, sur une déclaration commune à propos de la défense du droit d'auteur, d'une fiscalité équitable du livre, et avec un message de soutien aux Grecs, dont le gouvernement démantèle les institutions du livre et met fin au prix unique.
Jacques Toubon- Photo OLIVIER DION
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Le 4 avril, Jacques Toubon, délégué de la France pour la fiscalité des biens et des services culturels, a ouvert la première journée en appelant à une régulation au niveau européen. "L'entrée en lice des nouvelles technologies change les données du problème, on ne peut laisser aller la lutte du pot de fer contre le pot de terre, les acteurs des grands groupes de l'Internet, qui s'enrichissent de la mise en ligne de contenus, et les producteurs qui vont vers un double appauvrissement, économique, mais aussi conceptuel, et intellectuel" en raison des pressions qu'ils subissent, a-t-il déclaré.
Les exemples de la Grèce et de la Pologne permettent de constater que l'organisation du livre telle qu'elle existe en France reste sans doute en Europe l'une des plus favorables aux professionnels du secteur. Eva Karaïditi, directrice des éditions Hestia, décrit la situation en Grèce, où la chaîne du livre n'a pas échappé à la crise générale qui frappe le pays, et doit subir un démantèlement de son organisation qui donnait pourtant satisfaction. "Trois des six grandes chaînes ont disparu ; sur les 2 000 librairies qui existaient en 2007, il n'y en a plus que 700 qui sont fiables sur leurs paiements".
En Pologne, une loi sur le prix du livre est prête. Elle est maintenant souhaitée par tous les acteurs du secteur, alors qu'une partie des éditeurs n'en voulaient pas il y a quelques années. "Il faudrait qu'elle soit portée par au moins 15 députés, car le gouvernement n'y est pas favorable en raison de ses convictions libérales", explique Agnieszka Rasinska-Bobr, de l'Institut polonais du livre. "Il a fallu expliquer que la loi française n'est pas une réglementation étatique du marché, mais une autre façon de laisser le marché s'organiser", indique Nicolas Georges, directeur chargé du Service du livre et de la lecture, qui a travaillé avec les pouvoirs publics polonais sur ce projet.
Paradoxe européen
Les Rencontres ont évoqué aussi un paradoxe européen : la promotion des littératures sur d'autres marchés que les leurs, dans des pays souvent proches, mais avec des cultures différentes – une situation qui peut caractériser la culture européenne, s'il est possible de trouver point commun dans la diversité. Les intervenants ont aussi évoqué les moyens de préserver un tissu de librairies, elles-mêmes garantes d'une diversité éditoriale : action interprofessionnelle en Belgique, plateforme numérique commune Libreka en Allemagne, ou regroupement des grandes chaînes dans Tolino.
La ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti, à l'issue d'une journée bien occupée, (ouverture du Forum de Chaillot le matin, conseil des ministres, conférence de presse commune avec ses homologues), est venue en fin des Rencontres prononcer quelques mots, autant à destination de la Commission européenne, que des professionnels présents. "Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de modifier l'actuelle réglementation européenne sur le droit d'auteur, ce que j'ai dit dans la réponse de la France à la consultation, a-t-elle confirmé à propos du processus de révision de la directive de 2001, qui inquiète beaucoup le monde du livre. Si la Commission veut renforcer le droit d'auteur, elle nous trouvera à ses côtés, mais si elle veut le déconstruire, elle trouvera la France mobilisée, comme sur l'exception culturelle", a-t-elle prévenu.
L'émergence des multinationales de l'Internet remet en cause l'organisation de la chaîne du livre, autour de la loi de 1981 qui a permis la création d'une distribution du livre diversifiée, a-t-elle rappelé en substance. "La loi sur les frais de port vise à préserver cet équilibre, a-t-elle souligné, car les géants de l'internet, grâce à leur pratique d'optimisation fiscale, ont pu bâtir leur communication sur la gratuité de ces frais", créant un déséquilibre en défaveur des libraires. La ministre a bien insisté sur l'intérêt de cette loi auprès de ses homologues réunis à Chaillot, afin de trouver un appui face à la Commission, qui l'examine en ce moment avec suspicion.
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