8 MARS - ROMAN France

Harold Cobert- Photo DAVID IGNASZEWSKI-KOBOY/HÉLOÏSE D'ORMESSON

Bien qu'il ait consacré une thèse et un essai à Mirabeau, c'est sous le haut patronage de Victor Hugo qu'Harold Cobert a choisi de placer Dieu surfe au Pays basque, en scandant son texte, de manière éclairante, de strophes du Revenant, un poème écrit en 1843. Le Hugo de Cobert, c'est celui des Contemplations, d'A Villequier, l'homme qui a été plusieurs fois frappé dans sa chair, a toujours exorcisé sa douleur grâce à l'écriture - dans un siècle où l'autofiction s'appelait juste "roman", et finit, octogénaire, par témoigner de L'art d'être grand-père. C'est tout le mal qu'on souhaite à Harold Cobert. Disons-le tout net : même si la "vraie vie" et la fiction n'ont jamais été aussi proches qu'aujourd'hui, prendre pour sujet la mort d'un enfant dans le ventre de sa mère n'allait pas de soi. On appelle cela une "fausse-couche", mais c'est une vraie souffrance, à la fois pour la mère, que le narrateur appelle simplement tout du long "ma femme", en signe de respect, et pour le père, Cobert lui-même à l'évidence.

Tout commence comme un conte de fées, en 2008 : un jeune couple de trentenaires - mais pas bobos pour autant - attend un bébé. Ils vivent à Bordeaux, elle est DA dans la pub, lui, on ne sait pas trop ce qu'il fait, mais ils sont de "bonne famille". Cet enfant est ardemment désiré. Pour lui, ce sera le premier. Elle a déjà subi, en 2000, un traumatisme : elle a perdu, à cinq jours, un petit Ferdinand, et son compagnon de l'époque l'a lâchement abandonnée sur un sec "Je ne t'aime plus". C'est dire l'enjeu. Au début, tout se présente bien, mais le bébé meurt. Lui se sent "dévasté", éprouvant un mélange (explosif) de "colère, rage, haine" contre la destinée, les hommes, et Dieu, qu'il blasphème. En même temps, il assure, entoure sa femme de toute sa tendresse, et l'aide à panser cette plaie qu'il a ressentie aussi fort qu'elle. Ils "font leur deuil", comme on dit : une "étoile filante" a rejoint une "petite comète", écrit joliment Cobert. Tout est là. Face à un sujet aussi sensible, l'auteur aurait pu tomber ou bien dans l'exhibitionnisme racoleur, ou dans le pathos. Ni l'un ni l'autre. Ici, tout est précision et dignité. Optimisme aussi : vient en son temps le moment de la reconstruction. En 2010, une petite fille incarnera cette renaissance. "Lorsque l'enfant paraît", comme disait le père Hugo, encore lui.

Le jeune Harold Cobert, dont on avait déjà apprécié le talent, notamment dans L'entrevue de Saint-Cloud (paru aux éditions Héloïse d'Ormesson en 2010), mêle les époques - 2000-2001, le destin navrant de Ferdinand ; 2005, sa love affair avec sa femme ; 2008, le drame ; 2010, la naissance de leur fille - et réussit tout en finesse un récit sincère, beau comme un roman.

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