Né à Namur mais parisien depuis près d'un demi-siècle, Lucas Belvaux compte parmi ces Belges qui font partie du paysage culturel français. Comme Hergé, Henri Michaux, Jacques Brel... pour ne citer que les morts. Belvaux, lui, est bien vivant et actif. Non content d'être acteur (un premier rôle à 20 ans dans Allons z'enfants d'Yves Boisset), et réalisateur (il a récemment adapté Des hommes de Laurent Mauvignier), l'homme de cinéma sort à la rentrée sa première fiction en tant qu'écrivain, Les tourmentés. Belge, Lucas Belvaux l'est resté quand même un peu. « C'est lié à l'enfance, au goût, aux saveurs, comme une madeleine de Proust. » Et d'évoquer le Cha-Cha ou le Melo-Cake, respectivement une barre chocolatée et de la guimauve enrobée de chocolat. Et les frites évidemment, « cuites deux fois pour le croustillant, et dans de la graisse de bœuf »...
Passé ces considérations culinaires, le lien avec la Belgique, il avait surtout voulu le rompre. Namur, paisible ville de garnison (où son père dirige un internat), un destin de professeur ou de vie de bureau, très peu pour lui ! Le jeune Lucas veut être acteur après un atelier de théâtre. De vrais comédiens professionnels y avaient attesté qu'on pouvait en vivre. Une autre vie était donc possible. Possible quitte à demander l'impossible - déserter, prendre la tangente. Il exécute son plan : « J'avais brûlé mes vaisseaux, je suis parti en auto-stop à Paris à 17 ans. » Avec pour seuls contacts ses professeurs du stage de théâtre. L'un d'eux, le plus âgé, appelle les parents... Après force négociations, c'est d'accord, Lucas restera à Paris pour suivre sa vocation. Tout va très vite. Il décroche le rôle principal dans le film de Boisset susmentionné. Le grand écran, comme le petit, lui sourit. « C'était une période assez faste, j'avais un physique juvénile, je pouvais jouer des personnages beaucoup plus jeunes que mon âge, un avantage sur les vrais mineurs au niveau des autorisations. » Son interprétation du facteur dans Poulet au vinaigre de Chabrol lui vaut d'être nommé Meilleur espoir masculin. À l'époque, il fait son service militaire en Belgique.
Sous pression de la presse qui l'acclame, il obtient une permission pour se rendre à la cérémonie des Césars. Les permissions pour motif de tournage prorogent d'autant sa quille. Il prendra à nouveau la tangente... Mais la désertion sera celle des planches, son expérience du spectacle vivant le convainc qu'il n'est pas au bon endroit. Entre les répétitions, l'errance avec les camarades dans la région de Douai où ils sont en tournée lui inspire l'histoire d'un trio amoureux, qui deviendra son premier film comme réalisateur, Parfois trop d'amour. « Un joli bide », sourit-il. S'ensuivront d'autres films, qui rencontreront un bien meilleur accueil. Il écrit des scénarios originaux, adapte également : Didier Decoin, Philippe Vilain... Cette fois-ci, il signe son premier roman. Un ancien légionnaire se voit proposer un contrat où il serait le gibier d'une richissime chasseuse dont le majordome a été un frère d'armes dudit ex-soldat. Quelle différence avec l'écriture scénaristique ? « Moins de contraintes techniques et financières ». Et le style, les mots qui creusent et traquent, et au-delà de cette chasse à l'homme (« un motif - le moteur et le carburant qui font avancer l'intrigue »), la vérité profonde des êtres.
Les tourmentés
Alma éditeur
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 20 € ; 352 p.
ISBN: 9782362796081
bio Lucas Belvaux
1961 Naissance à Namur (Belgique). 1979 Décide de devenir acteur. Fugue à Paris. 1980 Premier rôle au cinéma, Allons z'enfants d'Yves Boisset. Joue le personnage principal. 1993 Premier film en tant que réalisateur, Parfois trop d'amour. 2020 Se lance dans l'écriture de son roman pendant le premier confinement. 2021 Sortie en salles de Des hommes, d'après Laurent Mauvignier.