Le corps éponge. Le corps est une formidable épuisette à sensations. Avec ses cinq sens aiguisés, il perçoit avec finesse tout ce qui nous entoure. Cet album nous convie à une balade autour du village en cinq chapitres dédiés chacun à un sens. Tout d'abord, la vue, qui nous en fait voir de toutes les couleurs, du vert chasseur du sapin au rose corail du ciel vespéral en passant par l'ocre de la meule de foin. Sans compter que ces belles teintes changent avec la lumière du jour. L'ouïe nous fait entendre le doux froufrou des pages qu'on feuillette et le tintement des clés dans la poche. Quant à l'odorat, il livre le pire et le meilleur, les senteurs de la forêt comme celles des gaz d'échappement. Le ver de terre sous la pierre humide dégage, lui, une odeur indescriptible. Le chien, ce champion, a un spectre d'odeurs bien plus développé que le nôtre. Le toucher est le sens que cet album fête le plus, grâce à un procédé de fabrication particulier. Un vernis sélectif met en effet en relief certains détails, le métal froid et lisse d'une poignée de porte ou la laine d'un bonnet qui gratte. L'album se clôt sur le goût. Ici, celui, acide d'une poire pas encore mûre, là, le picotement sous la langue de baies violettes appelées prunelles. Avec, pour finir, un succulent dîner autour de la table familiale. Miam ! L'illustration de Lucie Lučanská est une merveille de délicatesse et de talent, révélé dans une ligne de câbles électriques qui courent derrière la colline et dans le regard profond et doux d'un cheval. Un album élu plus beau livre tchèque en 2022. Pas étonnant !