13 février > Premier Roman France

Samuel est parti. Samuel, c’est une sorte d’ours mal léché, marin pêcheur d’eau douce, sobre comme le capitaine Haddock, qui tenait lieu à Hélène, faute de mieux, de prince charmant. Depuis, la jeune femme, que ne vient distraire nulle obligation professionnelle, divague au sein de son appartement parisien, plante une tente au cœur de son salon où elle se réfugie en la seule compagnie de son chat d’Artagnan, fait l’achat d’un pistolet à eau qu’elle remplit d’acide, observe, placide, le ballet des travailleurs au noir sans papiers qui s’escriment sur un échafaudage le long du mur de sa cuisine et hésite pour son suicide entre s’ouvrir les veines (ce qu’elle fait régulièrement, mais avec une relative absence de conviction) et avaler de la mort au rat. Parfois, son téléphone sonne, et c’est son banquier. Parfois, c’est sa porte d’entrée, et là, comble d’infortune, ce peut être sa mère, une ancienne hôtesse de l’air qui ne se résout pas à ce que son métier ne représente plus un idéal érotique du moi, ou bien sa belle-mère, une Allemande écolo-compatible, de trente ans plus jeune que son père, un vieux juif dévot et immoral, rescapé de la Shoah. Bref, Hélène ne va pas très fort et le monde autour d’elle, de sa tente et de son chat, non plus.

Il y a une belle et énergique noirceur dans En kit, le premier roman de Laure Naimski, récit des navrantes aventures de cette Hélène. Hormis peut-être la dinguerie bien ordonnée et le goût des solitudes urbaines de Maria Pourchet, on lui discerne peu d’équivalents dans le champ de la jeune littérature française contemporaine. Laure Naimski tire plutôt des bords vers le cinéma drôlement dépressif d’une Sophie Fillières. Ce genre de choses. Quoi qu’il en soit, c’est impeccablement désespéré et fatalement amusant. Olivier Mony

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