Vers le postpatrimoine ? Le musée comme institution patrimoniale naît avec les États-nations. Il s'agissait de montrer au public à travers les productions artistiques nationales la cohérence culturelle et la cohésion de tout un peuple. À savoir, le goût de la classe dominante ; quant à l'identité de la nation que le musée était censé refléter, elle était le miroir de l'élite patriarcale et bourgeoise qui écrivait ce récit patriotique ne tenant compte ni des femmes ni des minorités. Dans Quelles histoires s'écrivent dans les musées de Magali Nachtergael, la professeure de littérature et d'arts contemporains analyse ce qui est raconté sur les cimaises des musées des beaux-arts comme dans le white cube des centres d'art contemporain. Ainsi l'essayiste pointe-t-elle les biais d'une histoire de l'art linéaire - le storytelling de l'homme blanc qui considéra pendant longtemps les expressions artistiques de cultures autres comme des artefacts dignes d'être appelés œuvres d'art mais à reléguer aux vitrines d'un musée de l'Homme. Qui dit récit dit possibilité de contre-récit : se défaire de la traditionnelle filiation des génies de l'art occidental (tous des hommes, à l'époque classique, et encore très majoritairement dans la modernité) et retisser des liens extraoccidentaux, postcoloniaux et matrimoniaux. Il s'agit d'ouvrir la voie au postpatrimonial par le numérique notamment, et offrir une « curation » (commissariat d'exposition) qui ne soit pas verticale - « une narration de l'art redonn[ant] aussi sa part à l'enchantement par une déambulation libre et une conversation en pointillé qui n'impose pas un discours verrouillé. »