Avant-Critique Roman

Maria Gainza, "La faussaire de Buenos Aires" (Christian Bourgois) : Profession faussaire

Maria Gainza©Rosana Schoijett - Photo © Rosana Schoijett

Maria Gainza, "La faussaire de Buenos Aires" (Christian Bourgois) : Profession faussaire

Mêlant personnages réels et fictifs, l'écrivaine argentine María Gainza nous entraîne dans un Buenos Aires bohème, à la rencontre d'une bande de faussaires mélancoliques et attachants.

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Par Laëtitia Favro
Créé le 08.06.2022 à 11h00

« Quelle chose monstrueuse que notre passé, surtout lorsqu'il a été excitant. » Dans ses vies antérieures, la narratrice de ce roman était critique d'art, initiée à l'analyse des œuvres par Enriqueta Macedo, « une sommité » qui « reniflait » les toiles plus qu'elle ne les regardait. Son cabinet d'expertise pour couverture, « La numéro Un » se livrait en réalité à un juteux trafic de contrefaçons, qu'elle lègue en héritage à sa protégée. « Commets un crime et le monde sera soudain de verre. » Cette phrase, Enriqueta la prononce juste avant de s'éteindre dans des conditions mystérieuses. Vêtue de son manteau de fourrure noire, la narratrice entreprend à sa suite de « transformer l'expérience criminelle en quelque chose de complexe, de noble et d'héroïque ».

Dans son sillage, le lecteur rencontre la bien nommée « bande des faussaires mélancoliques », parmi lesquels Crosatto, « un plombier spécialiste en Butler », Suárez, « un peintre célèbre mais qui, par goût de la transgression, peignait des Macció "mieux que Macció" selon lui », Mildred, « une ancienne entraîneuse du Dragon rouge dont la légende disait qu'elle avait falsifié le Magritte de la collection Klemm » et surtout La Negra qui possède « le talent un peu sinistre d'entrer dans l'âme des autres ». Reine des faussaires, La Negra nourrit une obsession pour l'œuvre de Mariette Lydis, qu'elle copie sans relâche. « Plus que copier, elle peignait "à la manière de", ce qui est tout un art, parce que cela suppose de se mettre dans la tête de l'autre, requiert de l'empathie et, pourquoi pas ?, du génie. C'était une faussaire originale, si tant est qu'une telle chose existe. »

De l'Europe de l'entre-deux-guerres, que l'Autrichienne Mariette Lydis avait détachée d'elle « comme une vieille peau de serpent », aux bas-fonds de la capitale argentine, La faussaire de Buenos Aires projette une lumière nouvelle et truculente sur un monde de l'art ordinairement si policé. À travers une galerie de femmes exceptionnelles qui se révèlent à nous comme autant de poupées gigognes, María Gainza nous offre une méditation passionnante sur la notion d'authenticité, chez les œuvres comme chez les êtres.

Maria Gainza
La faussaire de Buenos Aires Traduit de l’espagnol (Argentine) par Gersende Camenen
Christian Bourgois
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 19 € ; 176 p.
ISBN: 9782267046229

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