Handicap

Marion Berthaut : donner le plaisir de la lecture aux dys

Marion Berthaut est la fondatrice de MOBiDYS. - Photo DR

Marion Berthaut : donner le plaisir de la lecture aux dys

La fondatrice de MOBiDYS, une plateforme de livres adaptés aux différentes formes de dyslexie, se retrouve ce 19 janvier en finale du concours de la meilleure start-up en technologies de l’éducation. Incarnation d’une French Touch sensible au handicap, elle annonce des nouveautés pour l'année 2022.

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Par Fanny Guyomard
Créé le 16.01.2022 à 13h36 ,
Mis à jour le 19.01.2022 à 09h13

Elle a été choisie pour représenter la France aux GES Awards (Global EdTech Startups Awards), le concours qui couronne chaque année la meilleure start-up en technologies de l’éducation. La finale se tient à Londres du 19 au 21 janvier, lors du salon mondial de l’éducation, le British Education and Training Technology (BETT). Trois jours au cours desquels Marion Berthaut devra convaincre le jury de l’« impact » actuel et futur de son entreprise. Mot récurrent dans la bouche de la dynamique entrepreneuse.

Son invention : une plateforme en ligne qui met à disposition des livres Frog, le format utilisé par les orthophonistes qui rend plus confortable la lecture aux dyslexiques. Cela passe par une mise en page aérée, la mise en avant de certaines syllabes, l'affichage de la définition ou encore la présentation d’un texte en groupe de phrases. Autant d'outils qui aident ceux qui ont des difficultés à décoder des mots ou à assembler les syllabes à mieux se repérer dans la page.

Le premier livre a été commercialisé en septembre 2019. Quelques mois plus tard, le confinement et l’école à distance poussent des professeurs à chercher des livres accessibles à des jeunes qui n’en ont pas chez eux - et pas seulement des dyslexiques. Les bibliothèques suivent.

90 000 lecteurs en bibliothèque

Dix-neuf bibliothèques départementales sont aujourd’hui clientes de MOBiDYS et relaient ses contenus aux bibliothèques municipales, par exemple à travers des mallettes de tablettes dans lesquelles les livres sont préchargés. « Nous avons à peu près 90 000 lecteurs élèves et à peu près autant de lecteurs en bibliothèque », dénombre la pédagogue dans l’âme.

Un livre qui l’a marquée : Au revoir là-haut, de Pierre Lemaitre, publié aux éditions Albin Michel en 2013…d'ailleurs en cours d'adaptation par MOBiDYS, sur sa bibliothèque Sondo, ciblée vers les collégiens. Dans ce roman, un garçon handicapé retrouve goût à la vie (notamment) grâce aux livres. « Ça prouve que tout le monde se sent concerné par les difficultés des jeunes lecteurs. Aussi bien les auteurs contemporains que les grandes maisons d'édition. Fière de travailler avec un secteur aussi solidaire et responsable », lance l'oratrice militante.

Informatique

Le temps de lecture moyen des quelque 400 titres mis à disposition est de trente minutes. Les plus grands lisent L'Odyssée d'Homère et Yvain ou le Chevalier au lion de Chrétien de Troyes, mais aussi Arsène Lupin de Maurice Leblanc ou le roman d’anticipation Virus L.I.V.3 de Christian Grenier. Côté bibliothèques, les titres jeunesse sont les plus lus, comme Des bleus au cartable de Muriel Zürcher (Didier Jeunesse) ou Est-ce que filles = garçons ? de Stéphanie Duval, édité chez Gulf Stream Éditeur. « Un éditeur nantais ! Il y a beaucoup d’initiatives en province et le numérique est un excellent vecteur pour se déployer ailleurs qu’à Paris », observe celle qui se présente comme « une pure Nantaise ».

La femme de 48 ans est née, a poursuivi ses études et réside dans cette ville. Formée en sciences de gestion puis en conseil en système d'information, l’informaticienne travaillera dans les sociétés de conseil Cap Gemini et Ernst and Young. « Puis un moment donné, j’ai voulu donner du sens à toutes ces compétences », se remémore-t-elle. C’était il y a huit ans.

Nouvelles collaborations

Aujourd’hui, son équipe explore la technologie de l’intelligence artificielle. La machine ingurgite une grosse quantité de textes adaptés aux dyslexiques (où les groupes de mots sont séparés à un endroit qui fait sens), puis reproduit ce fonctionnement. Plus elle lit, plus elle apprend le mécanisme du langage. Comme l'enfant qui lira son texte.

Avec l’orthophoniste Nathalie Chappey et l’éditeur Jérôme Terrien qui lorgnait du côté du numérique, ils fondent leur entreprise en 2015. Les seize permanents sont maintenant épaulés par trois à quatre stagiaires et une vingtaine d’indépendants dont la mission est notamment de lire les histoires à voix haute et de les réécouter. A l’avenir, les voix pourront être remplacées par des robots sans que l’on s’en rende compte, imagine la visionnaire. Mais pour le moment, on garde l’humain, « pour une question affective ».

A plus court terme, elle annonce la sortie des premiers manuels de lycée en format Frog. « Nous travaillons avec Nathan, Bordas, Hachette, Belin et Magnard à ajouter aux manuels de langue les fonctionnalités de la narration humaine ou du découpage du texte adapté », indique-t-elle. Les disciplines : français, anglais et sans doute histoire-géographie. Marion Berthaut étend son territoire.

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