C harles Aznavour signe un nouvel opus, en librairie depuis le 22 octobre, sous le titre A Voix basse (Don Quichotte éditions). L’interprète des Plaisirs démodés avait déjà publié ses mémoires, Le Temps des avants , en 2003 chez Flammarion. Les multiples rééditions de l’ouvrage (J’ai lu, Succès du livre…) sorties depuis lors l’ont sans doute incité à poursuivre dans la veine mémorielle. Mais Aznavour s’est aussi retrouvé au menu des récentes livraisons des gazettes juridiques. Celles-ci viennent en effet de reproduire un arrêt rendu par la cour de Cassation… le 9 juillet dernier. C’est là le délai minimal pour qu’une décision intéressante soit détectée, puis publiée avec un éventuel commentaire. Il n’y a pas que la justice de lente ; ses exégètes travaillent au même rythme. Il y est question du droit à l’image et de sa stricte application, à l’heure où certains commentateurs empressés avaient tendance à les croire en recul. L’affaire met aux prises Charles Aznavour et la reproduction de son portrait sur les pochettes de… ses propres disques. Il faut préciser que le coffret litigieux comportait des enregistrements de chansons réalisés entre 1930 et 1950. Et que les droits voisins dont bénéficie un artiste-interprète ne durent « que » cinquante ans à compter du passage en studio – tandis que, rappelons-le, les droits d’auteur courent jusque soixante-dix après la mort de l’auteur. Les paroliers à succès engraissent leurs héritiers, tandis que les « simples » chanteurs voient leur prestation tomber dans le domaine public à l’heure où ils comptent prendre leur retraite. Autant dire que cette réédition, en 2003, de ses airs les plus connus, accompagnée d’un livret biographique, n’a pas rapporté un fifrelin de royalties à l’ex-bohémien. Mais l’imprudent commerçant de musique, qui croyait avoir déniché un filon en comptant les années, pouvait difficilement se passer du portrait de sa vedette pour la mise en bacs. Et CA (acronyme également de chiffre d’affaires ou de conseil d’administration) d’attaquer sur le fondement de la violation de son droit à l’image pour récupérer d’une main ce qu’il ne pouvait gagner par ses cordes vocales. Las, le 6 juin 2007, la Cour d’appel de Paris a d‘abord débouté le « dernier monstre sacré de la chanson française ». Les magistrats ont estimé nécessaire, au nom de la liberté d’information, l’utilisation d’un cliché sans le consentement de son sujet, tout en affirmant au passage que leur raisonnement s’appliquerait de la même façon en présence d’un journal ou d’un livre : « La gloire n’est pas un capital que les grands hommes se constituent une fois pour toutes, mais bien davantage un sentiment qu’ils trouvent dans le regard des autres hommes » ! Ni ces « considérants », assez lyriques, ni le sens de la décision n’avaient plu à Charles Aznavour. Et le voilà saisissant la Cour de cassation. Avec succès. Cette dernière considère en effet que « l’utilisation de l’image d’une personne pour en promouvoir les œuvres doit avoir été autorisée par celle-ci, (…) la reproduction de la première, au soutien de la vente des secondes, n’est pas une information à laquelle le public aurait nécessairement droit au titre de la liberté d’expression ». Conclusion ? Le droit à l’image en ressort renforcé, y compris dans les situations les plus inattendues. Et nul éditeur ne peut se dispenser de solliciter, le cas échéant contre espèces sonnantes et trébuchantes, l’accord d’une personnalité, dont l’image va orner la première de couv. d’un ouvrage qui lui est consacré. Ouf, doit soupirer Flammarion, qui a publié, en 2005, avec l’approbation d’un CA dûment rémunéré, un album intitulé… Images de ma vie .