5 mars > Roman Corée

Kim Byeong-su est un vieillard tranquille qui compose des vers et relit les classiques. Le narrateur de Ma mémoire assassine de Kim Young-ha est un ancien vétérinaire vivant reclus dans un petit village près de la frontière avec la Corée du Nord. Dans sa maison vit également Eun-hee, sa fille adoptive qui s’occupe de lui. L’écrivain coréen, né en 1968, amateur de situations morbides ou borderline, signe ici l’étrange journal d’un vieux dément, les "Mémoires de l’oubli" d’un homme atteint de la maladie d’Alzheimer qui note chaque instant de son présent proche afin de le retenir. Ce qu’il a fait il y a plus d’un quart de siècle - bien avant sa retraite -, il s’en souvient très précisément : tueur en série. Il n’avait pas été démasqué, et aujourd’hui il y a prescription. Le début de la maladie et les reportages à la télévision d’une série de meurtres de jeunes femmes remuent cependant les eaux troubles du passé. Nulle culpabilité chez lui, tout au plus une vague interrogation : "Suis-je un démon, ou un surhomme ? Ou les deux à la fois ?" et un tiède constat : "[…] Entre le sentiment que j’éprouve en écrivant des poèmes que personne ne lit et ce que je ressens en commettant des meurtres dont je ne peux parler à personne, il n’y a pas grande différence."

Son premier assassinat fut commis à l’adolescence. Son père alcoolique et violent fut étouffé par ses soins à l’aide d’un coussin. Il y eut aussi le mari de sa seconde femme découpé en morceaux et jeté aux pourceaux. Trente années d’une activité meurtrière systématique. Sa dernière victime fut la mère d’Eun-hee ; elle l’avait supplié d’épargner la petite et il l’avait écoutée en recueillant cette dernière. Eun-hee est devenue la prunelle de ses yeux. Et c’est pour la protéger du serial killer qui rôde dont on parle à la télévision qu’il songe sérieusement à se remettre en activité. L’autre jour, il a embouti la Jeep d’un type suspect, dont le coffre était maculé de sang. Quand Eun-hee lui présente son amoureux, qui dit s’appeler Pak Ju-tae, cela ne lui évoque rien. Vérification faite, le nom correspond à celui de l’homme louche de l’accident. Mais gare à la mémoire labile des séniles, Kim Young-ha, jouant d’un suspense insidieux, sait se moquer autant du narrateur que du lecteur. S. J. R.

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