La narratrice du nouveau livre de Gaëlle Bantegnie, son troisième, est "blonde quoique décolorée". En juillet 2010, elle est enceinte de huit mois dans un Paris où la température dépasse les trente degrés. Avec Antoine, la jeune femme habite à Belleville et enseigne la philosophie. Le couple attend une fille. La suite est des plus normales : perte des eaux, départ à l’hôpital, délivrance. A sa naissance, Alice mesure cinquante centimètres et dort d’abord dans un berceau en Plexiglas. Ensuite, il y a les premières vacances à quatre cents kilomètres de la capitale. A Grandchamps-des-Fontaines, Loire-Atlantique. La nouvelle maman ne rate pas un instant de l’évolution de la petite au crâne recouvert d’un duvet brun. Puis vient leur départ de Paris, l’installation à Poitiers, dans une maison de la périphérie. Alice grandit, fait l’apprentissage du langage, va à la crèche, à l’école. Sa mère, elle, regarde la finale de "Nouvelle star", cite Karl Marx et son Manifeste, décide d’arrêter de fumer, avoue un faible pour les pains au chocolat. Elle s’interroge, s’inquiète, regarde minutieusement Alice avancer. Depuis France 80 (Gallimard, "L’arbalète", 2010), on connaît le talent de Gaëlle Bantegnie pour ausculter la vie quotidienne, fixer une époque. Au pays d’Alice se déroule sur quatre années cruciales dans la vie d’Alice, les premières. Le roman de la Finistérienne frappe par sa justesse et son mordant, par sa manière de montrer en détail la réalité d’une femme et de son enfant dans l’univers où elles évoluent ensemble, et dans un parfait mélange d’intemporalité et d’universalité qui en fait toute la réussite. AL. F.