Pour un éditeur, il est toujours palpitant de s’emparer d’un premier roman. Ainsi, les éditions Rivages sont-elles très enthousiastes à l’idée d’avoir découvert Marli Roode. Cette inconnue est arrivée à 17 ans en Grande-Bretagne. Ses études de philosophie et de littérature la conduisent vers la presse écrite et l’écriture avec Je l’ai appelée chien.
Tout comme son héroïne, Joe, elle a son pays natal dans la peau. Cette photoreporter voulait tout recommencer à zéro, mais des émeutes à Johannesburg la ramènent en Afrique du Sud. Elle y constate hélas que cette région reste le terreau du racisme. Son père, avec lequel elle entretient des relations venimeuses, en est le parfait exemple. Il se définit lui-même comme "un Afrikaner, un homme blanc qui vit dans un pays de Noirs". S’il recontacte tout à coup sa fille, c’est parce que son passé se rappelle à lui. Celui d’un raciste accusé d’avoir contribué au crime d’un homme de couleur, "choisi au hasard". Bien entendu, il se pose en victime, mais le doute demeure dans le cœur de Joe.
Alors que son père lui inspire de la rancœur et du mépris, la jeune femme ne peut s’empêcher de voler à son secours, tout en espérant lui arracher des aveux. "J’ai honte de cette partie de moi, la biologie, la généalogie…" On dirait deux inconnus qui se défient, comme chien et chat. Leurs retrouvailles sont tendues, tant leurs divergences semblent accrues. Ils sont néanmoins suspendus l’un à l’autre, dans l’idée de trouver la vérité. Le père est-il un "impipi, traître" ou un manipulateur ? Quels sont "ses secrets, ses zones d’ombre bientôt exposés à la lumière" ? Qu’en est-il du sort de sa mère ? Marli Roode livre un road-movie dans lequel la question identitaire d’un pays passe par le filtre d’un père et de sa fille. Kerenn Elkaïm