Paul Gignoux avait à peine 9 ans lorsqu’il fut lynché dans un quartier populaire de Lyon par d’autres gosses de son âge, aux cris de « fasciste » et de « cagot ». Ce crime défraya la chronique parce qu’il montrait comment la violence politique de ces années 1930 pouvait s’immiscer par capillarité chez les enfants, et cela jusqu’à la mort. Paul Gignoux fut tué parce que son père appartenait au Parti social français, la nouvelle dénomination des Croix-de-Feu du colonel de La Rocque dissous en 1936.

A partir de ce fait divers transformé en tragédie, Gilles Vergnon examine la brutalité idéologique qui secoue la société française durant l’entre-deux-guerres. Cette âpreté, bien en deçà de ce qui s’est déroulé en Italie, en Allemagne ou en Espagne, a connu un pic du 6 au 12 février 1934. Elle a laissé des traces dans une France qui se retrouve entre gauche et droite au bord de la guerre civile.

Dans cette enquête millimétrée, Gilles Vergnon (Sciences-po Lyon) a épluché les journaux de l’époque et fouillé les archives pour montrer le contexte de l’affaire Gignoux. L’historien révèle d’autres affaires pour illustrer cette rage politique, mais sans le poids symbolique de celle-ci. Quel sens donner à la mort d’un enfant de 8 ans??

Le but de ces gamins n’était pas de tuer le petit Paul. Il s’agissait seulement de lui faire peur. Au procès, le verdict confirma cette vision. Aucun placement en maison de redressement pour les douze prévenus. Les parents, civilement responsables, furent condamnés solidairement aux dépens à s’acquitter des frais de justice.

L’intérêt de ce travail est double. Il révèle le mal qui tourmentait la société française dans ces années et montre qu’il n’y a aucun déterminisme politique. Un des quatre frères aînés de Paul Gignoux tomba les armes à la main dans le Vercors et un autre sera décoré de la médaille de la Résistance.