" Le taux de la taxe à la valeur ajoutée sur des livres dématérialisés fait débat. Pourquoi cela peut-il faire débat ? De quoi débat-on au juste ?

Le livre - en tant qu'il est un instrument vecteur de culture - bénéficie d'une taxe allégée, cela fait sens, dès lors que l'on considère qu'il s'agit d'un bien de première nécessité qui devrait être accessible à tous. En diminuant le prix du livre, grâce à une TVA réduite, on permet à un plus grand nombre d'y accéder. Cela fait sens, tant du point de vue social que du point de vue culturel. [...]

La structure du livre repose sur un maillage qui est encore dense de professionnels qui sont autant de passeurs de savoir, de guides, d'aides et de conseillers. Nous savons leur avenir en danger. [...]

Le livre, le liber latin, le biblios grec, ce n'est pas qu'un texte. Ce qui est actuellement au bénéfice d'un allégement de TVA, c'est l'ouvrage en entier : le papier, son contenu, le contenant, la reliure ou le brochage. N'était-ce le texte qui serait dégrevé, convenons qu'un exemplaire de la "Pléiade" serait majoritairement taxé à 19,6 % !

Or, il en va de même avec les livres dématérialisés. On entre dans un domaine de cyberchargement, de cyberimpression, mais aussi de cyberconstruction. Avec les imprimantes qui arrivent sur le marché, nous ne serons pas limités à imprimer en noir et en couleurs, mais aussi en trois dimensions. Des stratifications successives de couleur rouge, jaune ou verte permettent maintenant déjà de créer chez soi des pièces du catalogue Lego. Pourquoi ce type de cyberachat ou de cyberconstruction échapperait-il à un taux de TVA normal ? Télécharger sur le catalogue Lego, Playmobil ou Mattel, serait-ce différent que de télécharger L'étranger sur Amazon ?

Réduire la TVA sur le téléchargement revient à dérouler le tapis rouge au géant Amazon et éventuellement à son dauphin, Apple. Leur taille, l'intégration - qui n'en est qu'à ses balbutiements - des données personnelles du client pour faciliter l'accès au téléchargement d'un texte vont limiter de très stricte manière les acteurs du téléchargement. En les renforçant, c'est le réseau des libraires que l'on met en danger. [...]

Imaginons également les dérives qui nous attendent. Tout jeu vidéo, tout accessoire qui peut être téléchargé passera forcément à la TVA réduite. N'importe quel film actuellement vendu en DVD sera vendu sur un simple formulaire de papier de quatre pages, taxé à 5,5 % avec un lien imprimé pour assurer un téléchargement gratuit.

Soyez certain, Monsieur le Ministre, qu'ouvrir la boîte de Pandore en abaissant à 5,5 % les textes dématérialisés, c'est condamner les librairies à la lente agonie qu'ont connue les disquaires [...]. "