Il a donné rendez-vous rue des Martyrs, qu’il surnomme la "rue Gamma", à côté de chez lui. Paris, il y réside et y travaille depuis quinze ans. Nicolas de Crécy n’a pas d’atelier, il planche dans son salon.
Avant, cet homme grand et fin à tous les sens du terme a vu le jour à Lyon. Il a grandi à Marseille, habité à Montpellier, fréquenté l’école des beaux-arts d’Angoulême. Une institution où il n’y avait pas de cours de BD. Pas grave, dit-il, puisque le 9e art ne s’apprend pas : ça "se lit" et "se pratique".
Le jeune Nicolas a flashé gamin sur Rien n’est simple de Sempé, immédiatement absorbé par le mystère incroyable qui s’en dégage, le rapport entre les dessins et les légendes.
Attiré par la peinture
Rapidement, il passe ses journées à dessiner quinze heures d’affilée. Ingénieur qui sait que la vie de bureau n’est pas toujours amusante, son père a confiance en ses rejetons, les laisse s’exprimer. On ne peut lui donner tort. L’un de ses frères est devenu un fameux musicien électronique, sa sœur aînée s’est illustrée dans le design textile, deux autres frères font avec succès de l’animation.
Après les beaux-arts, Nicolas de Crécy tente de vivre de sa passion. Il entre d’abord aux studios Disney, réalise des décors, des mises en place au crayon. Le soir, il creuse son propre univers. Lequel éclate d’abord dans Foligatto avec un scénario baroque d’un condisciple d’Angoulême, Alexios Tjoyas.
Ensuite, il met parallèlement en chantier deux de ses plus importants ouvrages. Le premier, Le bibendum céleste, il l’envisage comme un "laboratoire d’essai". Pour Léon la came, trois tomes chez Casterman, il collabore avec Sylvain Chomet, autre condisciple d’Angoulême. (A suivre) est preneur. Le côté feuilletonesque de la chose l’oblige à être rapide, à rendre quatre ou cinq pages en couleurs par mois.
Le succès de Léon lui permet d’explorer de nouvelles pistes. Ce qu’il n’a jamais cessé de faire jusqu’à La république du catch, un projet né de la commande d’une revue japonaise tirée à 300 000 exemplaires. Sept mois de suite, à raison de vingt-cinq pages par numéro, le manga paraît dans Ultra Jump - il s’apprête à sortir en volume aux éditions Shueisha.
Durant dix mois d’affilée, le dessinateur, "assigné à résidence", a peaufiné un système narratif qui doit autant à Méliès qu’au cinéma néoréaliste. Depuis, il prépare une exposition chez Artcurial et un "Travel book" sur le Mexique pour Louis Vuitton. Des envies, il n’en manque pas. Lui dont on connaît le goût pour les architectures de villes se sent attiré par les portraits, par la peinture. Modeste, il pense ne pas avoir encore trouvé la voie qui va lui permettre d’y arriver. Cela ne devrait pas être longtemps le cas.
Alexandre Fillon
Nicolas de Crécy
La république du catch
Casterman
Prix : 20 euros, 220 p.
Sortie : 15 avril
ISBN : 978-2-203-09558-8