6 juin > Roman Espagne

Née en 1963, juriste de formation, Belén Gopegui a décidé de se consacrer à l’écriture. Son premier roman, A l’échelle des cartes, est paru en Espagne en 1993, publié en français chez Actes Sud en 1995. Quatre autres ont suivi, traduits dans une dizaine de langues. Ce qui frappe, chez Gopegui, c’est la modernité de son inspiration, servie par une écriture d’une grande efficacité.

Belén Gopegui- Photo SANTIAGO OJEDA

Deux des qualités majeures de ce Désir d’être punk, où la romancière rend compte d’une adolescente en crise (pléonasme), dont le mal-être s’incarne dans sa quête d’une musique qui lui corresponde. « Sa » musique, même si, intelligente et curieuse, elle finira par démontrer un éclectisme assez rare pour sa génération. Mais, à travers le personnage du père, un technicien du son brusquement licencié, l’histoire de la jeune fille se trouve réintégrée dans tout le contexte économique, social et politique de l’Espagne d’aujourd’hui, en crise comme une grande partie de l’Europe. D’ailleurs, à partir du moment où le père est au chômage, donc plus disponible et fragilisé, on voit un rapprochement - émouvant - s’opérer avec sa fille.

La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

Martina, donc, a 16 ans. Elle vit à Madrid. Bonne élève, sans problème apparent, jusqu’à ce 4 décembre où Lucas, le père de Véra, sa meilleure amie, meurt à 48 ans d’une cirrhose. Le choc est violent. Martina aimait et admirait Lucas, travailleur social dévoué aux autres. A partir de là, tout dérape. Elle sabote ses partiels, traîne toute la journée son tædium vitæ, qu’elle confie à Adrian, son petit copain en devenir, dans un cahier d’écolier où elle écrit au stylo à bille. Martina aime les objets qui ont une fin, comme les vinyls. Logorrhée, pensées morbides, l’écriture joue son rôle d’exutoire. Véra, son frère Alex, Jimena, qui fut une amie de Lucas, passent un peu comme des ombres.

Mais quelque chose bouillonne en elle, que seule la musique peut exprimer. Pas celle de ses parents, bien sûr, qu’elle trouve « molle ». Mais des choses comme Total Eclipse of the Heart, feulé par Bonnie Tyler, ou des vieux trucs de Crosby, Stills, Nash & Young, et de George Harrison, le seul Beatle qui trouve grâce à ses yeux. Et puis des morceaux plus énergiques, comme Highway to Hell, l’hymne d’AC/DC, et surtout Gimme Danger, écrit par David Bowie pour Iggy Pop. La voilà enfin, sa chanson, celle qui dit ce qu’elle ressent, tout ce qu’elle a envie de faire partager aux autres. C’est pourquoi, un jour, Martina conçoit un « attentat musical » en secret et en solo. Un peu comme dans le film Radio rebels, elle se débrouille pour porter le 45 tours collector de Gimme Danger dans une station de radio, oblige l’animatrice à le diffuser, ainsi que ses modestes revendications : des lieux où les jeunes puissent se retrouver entre eux. Sans quoi, elle menace de se suicider…

Cette histoire, puérile et touchante, de Martina, cocktail de L’attrape-cœurs et de punk, donne un roman réaliste et bien fichu, engagé aux côtés d’une génération sacrifiée. No future, version espagnole. Jean-Claude Perrier

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