Un petit chat d'accord mais un enfant non merci. Emmanuelle, la jeune héroïne du premier roman très contemporain de Camille Bonvalet, ne sait pas exactement ce qu'elle veut, mais elle sait radicalement ce qu'elle ne veut pas : devenir mère. Pour cela un moyen irréversible, la stérilisation par ligature des trompes. Une résolution suffisamment lourde de conséquences à 25 ans pour demander quatre mois de réflexion. On la suit donc pendant ce temps où il s'agit surtout d'annoncer cette décision prise seule à celui qu'elle appelle son « petit ami », Léon, journaliste dont l'amour attentionné l'étouffe et la rassure à la fois. Car elle est comme ça cette jeune femme, déterminée et incertaine.

Ancienne étudiante à l'école du Louvre, elle est depuis un an agent de surveillance au musée de la pêche où elle trouve « confortable » « cette esthétique de la répétition » qui fait son quotidien auprès d'une manager qui l'appelle « choupette ». Pour son entourage, notamment ses amis proches, parents d'un Côme de six mois qu'Emmanuelle a vu naître, elle est et a toujours été « un peu spéciale », « personnalité border ». Elle-même se reconnaît des « réactions un peu inadaptées dans des circonstances exceptionnelles » et le lecteur aura l'occasion de le vérifier. Mais la future non mère est plus souvent « accablée par la honte d'être normale ».

A la piscine, elle s'amuse à donner des notes aux corps inconnus, à deviner les âges et « trouve tout le monde vieux ». Portraiture avec une cruauté attendrie son entourage, sa mère pour qui « l'apparence est une science ». Le coup de griffe aussi rapide que désinvolte, elle se révèle finalement beaucoup moins superficielle que sa distance critique, souvent caustique, parfois agaçante, ne le laisse penser. Lex, son jumeau qui s'est suicidé adolescent, s'invite souvent dans ses pensées moqueuses. L'alcool finit toujours par couler dans cette saignante Echographie du vide, dans les gosiers mais aussi sur les têtes, dans des gestes impulsifs aux effets laissés en suspens.

En attendant, c'est à Internet qu'elle pose des questions existentielles et confie ses motivations. Elle est sûre d'elle : avec le petit ami qu'il reste à mettre au courant, la vie sera belle « tous les deux seuls ensembles ». Un conte du XXI^e siècle où ils n'auront aucun enfant.