On est bien loin de la tendresse et de l'humour de Ô Pulchérie !, le premier roman de Nathalie Sauvagnac, paru en 2018 chez Denoël. Là, le lecteur entre dans le dur, et ferait mieux d'abandonner, dès la première ligne, toute espérance. Pour le narrateur, on n'ose dire le « héros », Philippe, nulle rédemption, nul avenir. Il en est conscient depuis qu'il est né, dans une famille de prolos de banlieue, un genre de Groseille, mais anonymes. Celui qui a tout pris, c'est Arnaud, le frère aîné, un « abruti », peut-être, mais qui a réussi et su capter l'affection de la mère. Pour les autres enfants, Philippe et les jumeaux, des torgnoles. Le père, lui, falot, laisse faire. Au point qu'un jour, à 17 ans, le garçon est viré de chez lui, sans un sou, sans boulot ni lieu où dormir. Ses copains, Bruno l'ex-bourlingueur en cale sèche, ou Mickey, avec qui il fait les quatre cents coups, sont des parasites, des paumés, qui ne peuvent l'aider. Son seul refuge, c'est Flora, laquelle va tout tenter pour le sortir du gouffre, lui permettre, enfin, de s'insérer dans la société. Le voilà embauché, logé, presque « arnaudisé ». Mais ses vieux démons vont vite reprendre le dessus.
On n'échappe pas à son destin quand on est né du mauvais côté du périph. Telle pourrait être la leçon de ce roman particulièrement sombre, rythmé, tout en dialogues (un peu trop peut-être), qui ne pouvait, d'évidence, que s'achever en drame. Quant à Philippe, on ne parvient pas vraiment à le plaindre, ni à l'aimer, contrairement à la romancière.
Les yeux fumés
Le Masque
Tirage: 6 000 EX.
Prix: 19 euros ; 216 P.
ISBN: 9782702449301