Sous la protection des pythons. C'est dans le monde interlope des conduits souterrains, des anciennes galeries de métro peuplées d'immigrants, de brasseurs clandestins et d'une faune fréquentant les bars de débauche, qu'enquête le flic Nathaniel Loppe. Avec ses acolytes, Assia, Inès et Milo, il traque un tueur en série. Depuis ce qu'on appelle « l'Onde », le monde a basculé. Afin de trouver encore de nouvelles ressources fossiles, les hommes ont foré trop profondément sous la terre, brisant l'écorce : « La dure-mère était touchée. Une poche de vie venait d'être percée. La planète trembla. Et ce fut tout. Un souffle. » S'ensuivirent des tremblements de terre, des effondrements d'immeubles et des affaissements de pans entiers de la ville, puis les hommes entrèrent dans une nouvelle ère. Certains ont muté, comme Nathaniel, qui fait partie des « Pythons », des policiers d'élite dotés, depuis l'Onde, d'une sorte de sixième sens : ils voient et perçoivent des images, des paysages et des scènes qui leur permettent de reconstituer un crime ou un enlèvement. Quand Nathaniel rend visite à une mère dont la fille vient de disparaître, il lui demande de répéter le nom de sa fille à voix haute pour que la pièce en soit imprégnée, et se laisse guider par des mots-clés qui le mèneront vers la bonne piste. Peut-être a-t-elle été enlevée par des membres d'une secte... En effet, plusieurs religions, comme le Voile Blanc, sont nées entre les ruines des gratte-ciel écroulés. De fait, le mal qui hante les pages de ce roman de SF à l'atmosphère gothique a davantage à voir avec une forme détournée et futuriste du millénarisme du Moyen-Âge qu'avec les dérives des nouvelles technologies, donnant à l'œuvre un ton et une forme particulièrement atypiques : « La logique, impératrice du XXI^e siècle, se retrouvait à devoir affronter son pire ennemi : le spirituel. »

Le pire qui puisse arriver à un « chasseur » comme Nathaniel, c'est de ne plus voir ni ressentir le monde dans sa globalité. L'enquêteur s'inquiète alors, parce que dans sa course engagée contre le tueur qu'on appelle « l'amorceur », il perd soudain la vue aux portes des Zones Mortes, où règne la misère la plus crasseuse. Tout ce qu'il sait, c'est que le point commun entre les victimes est leur addiction à des jeux mystérieux réservés aux plus riches et pratiqués dans les conduits. On a même retrouvé de l'or dans les veines de l'une des victimes...

Embarqués dans un époustouflant récit d'aventures, on s'attache rapidement à ce personnage de héros tragique. L'œuvre du serpent est sans doute l'un des romans les plus originaux de cette rentrée dans le domaine de l'anticipation et de l'imaginaire, habilement construit, alternant le déroulement de l'enquête avec le journal de bord d'un mystérieux « Tisseur » qui évoque les temps anciens tout en chroniquant les nouvelles tendances des modes et des arts postapocalyptiques. Un thriller qui titille nos nerfs, bouscule tous nos repères, et constitue une charge implacable contre les maux de l'anthropocène.